Non, le remix de Bicep par Four Tet n’est pas bien.

Image d'avatar de SolalSolal - Le 16 mars 2018

Encensé par la critique, le remix de Opal est apparu dans l’imaginaire commun – ou tout du moins, dans celui de la presse spécialisée – comme une production excellente. Curieux, nous avons tendu l’oreille pour voir ça de plus près. Au premier abord, le morceau est en effet très bien : ça sonne, c’est propre… bref, sans aller plus loin, il semblerait bien que Four Tet signe ici un des très bons remix de cette année. Vraiment ? Vous avez lu le titre.

Pour vous expliquer pourquoi, faisons un petit tour du monde merveilleux des remix. Pour commencer, ça veut dire quoi “remix” ? Mot valise, la seule info qu’il nous donne, c’est que le morceau que vous vous apprêtez à entendre est issu d’un autre, qui a été retravaillé pour créer autre chose. Mais des types de remix, il y’en a des tonnes. Voilà deux ou trois exemples pour que vous puissiez vous rendre compte que parfois, ça peut aller très loin.

Certains remix, reprendront le morceau d’origine en y ajoutant de nouvelles parties, ou en retirant des éléments. Un bon exemple est l’excellent Knowing We’ll Be Here, composé par Daniel Avery, et remixé par Kink. Le morceau d’origine couvait une idée mélodique géniale, et c’est sur cet élément que le remix se base. Beaucoup plus pêchu, le producteur bulgare l’a rendu “club-proof” en y ajoutant une ligne de percussion agressive, et un interlude qui introduit une nouvelle mélodie : ni ce passage, ni ce nouvel élément n’existaient à l’origine. Le reste du morceau a simplement été réorganisé ou rééquilibré afin de l’intégrer au style de Kink. Avec ce genre de remix, on reconnait souvent le morceau d’origine dans sa version retravaillée. Malgré leur ressemblance harmonique, l’exemple cité a donné deux morceaux à l’ambiance fondamentalement différente.

Le morceau original

Le remix

D’autres, plus complexes, iront beaucoup plus loin dans le processus créatif, et recréent une toute nouvelle track en utilisant uniquement les sons du morceau d’origine, ou presque. Concrètement, l’idée est de sampler l’original pour en extraire certains éléments et les transformer, parfois en allant jusqu’à les dénaturer, et ainsi permettre de nouvelles folies musicales. Percussions, rythmiques, synthés, basses et autres sont pour la plupart issus du morceau remixé, la plupart du temps leur timbre, et pas leur mélodie, qui sera souvent réarrangée. Dans ce cas là, l’exercice tient carrément du challenge. D’ailleurs en comparant le remix et l’original, on peut parfois avoir l’impression que les deux n’ont absolument rien en commun. Le fait est que le son est une matière tellement malléable qu’il est difficile de savoir si ce qui semble nouveau l’est effectivement ou vient du morceau d’origine. Un exemple bien connu est le remix de Gravy Train, composé par Maceo Plex, et retravaillé par Nicolas Jaar : en tendant l’oreille, on reconnait quelques similitudes, mais les deux morceaux n’ont clairement rien à voir.

Le morceau original

Le remix

A l’écoute, la différence entre ces deux types de remix est très simple : dans le premier exemple, on reconnait le morceau d’origine, mais il est clair qu’on y a apporté quelque chose. Dans le deuxième exemple, si on ne vous disait pas que le remix en est un, vous pourriez ne jamais le remarquer.

Ce qui nous amène à Four Tet et Bicep : le gros problème de ce remix, c’est qu’en l’écoutant, on pourrait presque croire qu’il s’agit en réalité de l’original, tant les différences sont minimes. Alors, oui, il y’a deux ou trois choses qui n’étaient pas là avant, c’est vrai. Mis à part ça, la mélodie principale sonne exactement de la même manière, on a droit à une simplification des percussions, un ou deux effets de plus. On lui accordera tout de même une montée au début du morceau, qui elle se démarque légèrement du morceau d’origine et le rallonge d’environ deux minutes. A titre de comparaison, il n’y a pas plus de travail de la part de Fout Tet dans ce remix, que de la part de Boris Dlugosh lorsqu’il a remixé Digital Love de Daft Punk (à écouter tout en bas de cet article) : service minimum, qui tout au plus occultera la version d’origine, alors qu’elle était tout à fait correcte. En vérité, les ajouts du remix tiennent plus du DJing que du travail de production, puisque presque tous les outils utilisés pour amener les éléments nouveaux sont à portée de main des DJs lorsqu’ils sont sur scène (voir mixeurs DJ équipés d’effets et de 4 pistes).

Le morceau original

Le remix

Four Tet n’en est pourtant pas a son coup d’essai : ses productions sont bien souvent hors du commun tout comme certains de ses remix. Si il a pu faire preuve d’une grande créativité par le passé, cette production ne marque qu’une expositions de quelques idées, dont il aurait pu faire part à son ami Bicep lorsque celui-ci a composé le morceau : ça aurait été plus vite.

Verdict : très bon morceau, mauvais remix.

 

Comme promis, un autre exemple de mauvais remix :

Le morceau original

Le remix

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Solal
Article écrit par :
Rédacteur en chef musique

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