INTERVIEW DU DUO PARADIS : “Couleurs primaires”

Image d'avatar de Alice ColasAlice Colas - Le 16 janvier 2015

En 2011, le duo se rencontre lors d’une soirée. Jusque là rien d’incroyable, les meilleurs groupes ne se sont pas rencontrés non plus pendant un footing sur les quais de Seine ou durant un spectacle de condors au Puy du Fou. Tel notre vénéré Pitbull ou notre Robin Thicke tout-puissant, le duo Paradis puise son inspiration dans la fête et les zouzes (pas exactement “dans” les zouzes, entendez bien). C’est dans l’intimité d’un appart qu’ils commencent à écouter et partager du son, puis à composer le leur avec le label Beats In Space, la reprise de “La Ballade De Jim” paraît comme une évidence. Des mélancolies du réveil difficile, des premiers amours de Rimbaud, du verre de trop de Verlaine à la descente aux enfers d’Hemingway, le bienveillant duo Paradis nous console le jour et nous électrise à la nuit tombée. Une banquette et un verre de vin dans un bistrot du 5e arrondissement, on retrouve Simon Mény et Pierre Rousseau. Histoire de causer de ces premiers maxis, d’une tournée de set et d’un nouvel EP “Couleurs Primaires” chez Barclay, attendu le 19 janvier.

BewareMag : Grand écart surprenant entre Beats In Space et Barclay ! Ça vous a ouvert des portes ?

Pierre : C’est pas la même chose, en fait c’est juste qu’on avait envie d’être bien épaulés en France et les propositions les plus intéressantes qu’on ait eues venaient de la maison Barclay, le courant passait bien et on aimait bien le type de leurs projets. C’est vrai que c’est très différent mais ça n’a pas fondamentalement changé notre manière de faire de la musique. Des approches différentes mais y’a vraiment du bon et du mauvais des deux côtés, aujourd’hui ça nous permet d’avoir un studio, de travailler avec des musiciens. Ça nous a permis de faire des clips avec plus de soutien, d’avoir un studio cool et de ne plus casser les oreilles aux voisins de Simon.

Simon : Avant on travaillait dans notre petit appartement, c’était un peu compliqué.

Pierre : On bossait avec un petit ordinateur qui ne supportait plus trop la charge de travail qu’on lui demandait. On est un peu moins à l’arrache, mais ça reste toujours aussi abstrait de faire de la musique.

J’ai fait écouter votre dernier EP à mon beau-père de 50 piges, il m’a dit “c’est du Air qui sert la main à Alain Chamfort”, vous lui répondez quoi ?

Pierre : Pour ma part, Air, c’est un énorme compliment c’est un groupe que j’aime beaucoup beaucoup. On a peut-être pas mal d’influences issues de ce groupe là. Y’a une proximité géographique aussi. Chamfort je connais beaucoup moins, mais on nous l’a déjà dit sur les aspects un peu sensibles. Mais la musique française à la base, quand on s’est mis à en faire, on maîtrisait pas du tout ou juste un peu, on a un pote qui nous a fait écouté “La Ballade De Jim” d’Alain Souchon, on avait aimé pourtant on faisait de la musique vraiment instrumentale à la base, on a juste chantonné ce truc là sur un morceau qu’on jouait et c’est devenu une reprise.

C’est là qu’on s’est rendu compte que chanter c’était agréable.

 

Simon , c’est donc toi qui pose ta voix. Ça t’a toujours attiré ou tu t’es découvert toi-même ? Lequel de l’instrumental ou du texte vient inspirer l’autre en premier ?

Simon : Ouais, je me suis jamais dit que je voulais devenir chanteur, mais ouais y’a juste un moment où on s’y est mis c’était “Je m’ennuie ” qui est sorti sur le 2ème maxi, c’était juste un gimmick de voix.

Pierre : Mais t’sais en fait, je sais plus très bien lequel est arrivé en premier, parce que “Je m’ennuie” c’est le premier qu’on ait envoyé à des gens mais c’est un énorme flou, tous les morceaux se font toujours un peu au même moment.

Simon : On s’est dit “Tiens ce serait bien de mettre des voix sur ce morceau“. Comme des conversations qui viennent s’appuyer sur un morceau plutôt instrumental, on écrit en même temps que le morceau se construit. C’est une approche du songwriting un peu spéciale, je pense puisqu’on est pas du tout en mode un au piano, un au papier.

Pierre : On fait la musique, et ces choses là nous en évoquent d’autres. On passe pas mal de temps ensemble du coup on a plein d’amis en commun, des situations qu’on a pu vivre ensemble, typiquement on va écouter un morceau qu’on est en train de faire et en discuter et se dire “ah ouais, ça me fait penser à ça“, les mots viennent, y’a rien d’organisé, j’adorerais qu’on trouve un moyen mais on y est pas parvenus. Les mélodies du chant peuvent aussi être des mélodies instrumentales, quelque chose qui traîne, on sait pas trop si ça sera du chant ou un synthé.

 

Alors ça fonctionne aux allers retours. Perfectionnistes ?

Pierre : Les morceaux ne sont pas finis jusqu’à ce qu’ils soient envoyés. On est jamais trop sûr de nous, on s’interroge tous les deux.

Simon : En général, on arrive à trouver un équilibre à la fin et ça nous plaît.

Pierre : En même temps, on a tellement écouté le morceau que s’il nous plaît encore c’est qu’il est bon.

 

Vous aviez fait des remix de votre côté (Agoria, Jacques Renaud, Cale Parks…). Cette fois-ci, y’a deux remix dans cet EP, “Garde Le Pour Toi” et “Sur Une Chanson En Français” de Thee Loving Hands et de Superpitcher, rôles inversés tout bouleversés, dites m’en plus ?

Simon : Oui c’est assez étrange de s’entendre remixés.

Pierre : Ce qui est cool, c’est que les deux ont vachement étiré notre musique, deux tracks de 20 et 15 minutes.

Simon : Thee Loving Hands , c’est un alias d’un producteur qu’on aimait beaucoup qui s’appelle Tim Goldsworthy.

Pierre : C’est un mec qui a eu deux carrières, voire trois : il a fondé le label Mo’Wax, le projet UNKLE et puis il a travaillé avec James Murphy (ndlr : LCD Soundsystem) avec qui il a fait DFA Records, qui nous inspire beaucoup. On voyait très bien l’affiliation. On réfléchissait avec le label à qui proposer cet EP, on lui a donc envoyé directement.

Simon : Et les remix, c’est toujours l’occasion de voir un producteur qu’on aime et voir ce qu’il peut apporter à notre musique, on était curieux de la différence entre ces deux approches.

 

Je suis donc allée à la Couleur #1 au Monseigneur, je savais pas trop à quoi m’attendre finalement. Et c’était de la musique de gros débile, comme on aime mais finalement surprenant. Comment vous expliquez le fossé entre la production signée Paradis et les deux mecs qui s’agitent aux platines et qui foutent le feu? C’est quoi la fin en soi ?

Simon : On se pose pas trop la question, on veut faire toutes ces choses à la fois, mélanger tout ça. Y’a ces deux approches de la musique qu’on aime, à la fois la musique qu’on écoute tous les jours et qui va bien avec la fête.

Pierre : On s’adapte complètement. “La fête c’est la fête” (ndlr : propose à quiconque de défier cette philosophie), ce qu’on fait nous c’est quelque chose qui est un peu entre la musique qu’on aime bien écouter chez nous et d’autres inspirations. Pas mal de gens peuvent être un peu déstabilisés par le passé mais c’est jamais la même chose en DJ set ou pour une mixtape pour un site un peu plus sérieux, on fera quelque chose de plus “raffiné”. On veut juste pas paraître hors contexte.

Simon : Même si c’est des musiques qui peuvent sonner un peu différemment, il y a beaucoup d’inspirations qu’on puise dans ces musiques comme tu dis “un peu débiles”, plus physiques. Dans notre approche de la musique instrumentale, il y’a quelque chose dans ces musiques là qui nous influencent beaucoup.

Pierre : Je sais pas trop à quel moment tu es venue. Mais pour te confier un peu un secret, certains morceaux qu’on joue sont uniquement les rythmes de certains des morceaux de notre album, on s’en amuse du coup, quand t’enlèves la plupart de la mélodie de tes morceaux, la musique derrière ressemble beaucoup à notre production. Ça tape pas mal, c’est très répétitif et rythmique.

Dans notre approche de la musique, on aime bien mettre la musique et le chant bien en avant et alors parfois ça peut être au détriment du côté club qu’il y a derrière. Ya pas vraiment de sens, on veut faire des morceaux, des concerts, des dj set, et au bout d’un moment peut-être les gens comprendront qu’on joue simplement ce qu’on aime entendre. Tu dis que tu trouvais ça surprenant, et c’est plutôt cool.

 

Côté pile et face de l’album. Est-ce qu’on peut s’attendre à te voir au micro Simon ? Vous vous attendez à ce que les gens chantent ?

Simon : Ouais c’est le but, c’est ce qu’on essaie de préparer justement pour les lives. Ça serait beau que les gens se mettent à chanter dans un contexte de club.

Pierre : J’ai un souvenir, on avait joué Parfait Tirage à Lyon dans un tout petit club et les gens sont mis à chanter, c’est la seule fois que cela est arrivé. C’est vraiment cool.

Simon : À côté de ça, les émotions qu’on peut ressentir dans nos chansons on a envie de les traduire en live.

Pierre : D’ailleurs on va finir par jouer des percussions sur scène (l.o.l) . Le live qu’on prépare on espère qu’il va s’adapter, comme je te disais tout à l’heure, vu que nos morceaux restent des chansons, on aime assez l’idée de pouvoir les reproduire dans des versions beaucoup plus calmes, plus lentes.

C’est un peu un trait d’union entre ce qu’on fait comme musique et nos dj set, le live va cristalliser un peu tout ça. Quand tu nous verras, tu n’entendras jamais la même chose.

 

Justement, on attend votre tout premier album, produit à la montagne paraît-il, j’ai pas trop senti les chants tyroliens dans l’EP pour le moment.

Pierre : Oui on a composé ça à la montagne, plusieurs endroits différents, un appart à Paris puis quand on a signé chez Barclay dans un petit studio. Pas de chants tyroliens (ndlr : féchier) mais on se refuse rien.. (ndlr : ok cool)

Simon : En fait il est presque prêt.

Pierre : On attend d’avoir ressorti quelques trucs avant de le sortir, vu que notre dernier maxi était de 2012, ça faisait un peu tôt pour nous de sortir avec un album. On voulait revenir et remontrer ce sur quoi on avait travaillé depuis, les nouvelles choses, les différences . “Couleurs primaires” c’est les trois premiers extraits de notre album, l’album on sait pas quand il sort mais à moins d’avoir des espèces de gros doutes sur des morceaux, ils sont tous prêts.

Simon : Pas trop le temps de s’ennuyer. Le gros projet c’est le live, l’album qui est presque prêt, la résidence qu’on commence au Monseigneur.

Pierre : J’aimerais avoir le temps de m’ennuyer.

 

Chez Beware, on fait attention à pas trop se prendre au sérieux. Et vous, à quoi faites-vous attention ?

Simon : Aux détails.

Pierre : Euh, ah oui je sais, les chemins. Je fais attention aux chemins, aux chemins dans la rue, dans la vie, ça me fait très peur.

 

Le duo Paradis sera présent au Monseigneur à Paris, le jeudi 29, pour la Couleur#2 et leur release party, entrée gratuite.

 

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Alice Colas
Article écrit par :
Après avoir obtenu une licence en arts appliqués et un master en création-conception en communication visuelle, Alice Colas a travaillé en tant que directrice artistique dans les domaines des médias et de la culture. Par la suite, elle est devenue indépendante en tant que free-lance chez BETC. Sa passion réside dans la composition d'images et la création d'identités visuelles. En tant qu'illustratrice, elle aspire à mettre en avant sa créativité et sa technique pour donner vie à vos projets d'identité, de packaging et d'impression. Son objectif est de créer du sens et de l'esthétique en se basant sur l'essence de votre marque. Dotée d'une approche rigoureuse, précise et ponctuelle, elle s'efforcera toujours de répondre au mieux à vos attentes dans les délais les plus adaptés.

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