Interview – Tom McRae : what a way to win our hearts

Image d'avatar de FlorineFlorine - Le 23 novembre 2015

Tom McRae

Entretien au sommet.

Samedi 3 octobre 2015, à l’occasion de la sortie de son nouvel album “Did I Sleep and Miss the Border”, Beware a rencontré Tom McRae, le crooner anglais, le soir de son concert au Trabendo, scène concluant une tournée menée quasi-totalement à guichet fermé.

Disponible, maniant l’ironie et le second degré avec une dextérité qui confine au beau, il est impossible de ponctuer chacun de ses traits d’esprit d’un (rires), aussi on vous laisse le soin de les relever, hein, par ce que nous, là, on en revient à peine d’avoir pu balbutier quelques mots d’anglais à un musicien qui cumule talent, humilité et propos passionnants. Agaçant, qu’on vous dit.

Le jour de l’interview, il y eut la scène aussi, là où les corps et les ardeurs se révèlent enfin.

Premières larmes lors de la première partie, assurée par le magnétique Brian Wright, également membre du groupe qui accompagne Tom McRae depuis 2010, The Standing Band. Le garçon est ensuite rejoint par Tom himself  et toute la bande: Richard Hammond (basse, contrebasse, percussion, voix), David Walsh (batterie), Oli Kraus (violoncelle), Olli Cunningham (synthés, percussions, voix) et Brian Wright donc (guitares, banjo, pedal steel).

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Premier coup de grosse caisse, et la salle s’embrase : des fans de la première heure, extatiques, des newbies subjugués. L’engouement du groupe est communicatif et les titres s’enchaînent avec justesse, mêlant le nouvel album à des titres plus anciens, dont l’incontournable End of the World News (Dose me Up).

Transfigurées, les chansons prennent une ampleur nouvelle tant les musiciens habitent chacune des notes, intonations. Le jeu est tout en nuance, la poésie véritable, le sol du Trabendo vacillant sous nos coeurs, aux côtés d’un Tom McRae facétieux, proche de son public (merci à ceux qui sont là depuis quinze ans, répètera t’il à la fin du concert), accompli.

Après avoir piteusement tenté de connaître son lieu exact de villégiature en France (moi: don’t you want to live in Paris? Lui: Not really), la conversation est enfin entamée :

Qu’est ce qui t’a inspiré pendant l’écriture de cet incroyable album ?

Merci ! L’inspiration, ça a vraiment été d’avoir ce groupe, ces mecs là à mes côtés, Brian Wright notamment, pendant toutes ces années, et ce depuis 2010. J’avais envie d’un album qui tournerait bien une fois joué en live.

J’ai pris de l’âge aussi… je suis vieux maintenant et cet album m’a permis de grandir. Je me suis dit que ce serait l’occasion d’essayer des choses que je n’osais pas aborder avant, en m’appuyant sur l’assurance que le temps m’a permis d’acquérir. J’ai appris tous les aspects techniques du métier. Et plus j’apprends, plus je peux atteindre mon objectif: aboutir à un album que j’ai envie d’écouter. Désormais, je peux contrôler le processus dans son ensemble…okay, je suis un control freak. 

J’ai lu que tu avais tout fait sur cet album: mastering, mixage, production… Pourquoi ? Une envie persistante ?

Disons que cela m’a pris du temps d’apprendre, parce que j’appartiens à une génération pour laquelle lorsque tu es l’artiste, tu écris tes chansons, tu as un producteur qui te permet de faire le disque, et puis tu passes à autre chose avec un autre producteur. Or, j’ai toujours été frustré par le fait que le son que j’avais en tête n’était jamais celui que j’entendais ensuite sur les albums.

Je me suis donc dit que je devais tout apprendre par moi-même. J’ai fait attention à ce que je voyais, acheté un peu d’équipement. Et là, j’ai pu baigner dans cet univers, et sortir ce que j’avais en tête.

Mais est-ce que toutes ces responsabilités d’ordre technique n’interfèrent pas avec le processus créatif ?

Non, parce que j’écris en même temps. Dès que j’ai une idée de chanson, même une ébauche, je la compose de suite, c’est ma manière de travailler. Il n’y a pas de session d’enregistrement, tout se fait dans l’instant. Il y a la découverte de sons, l’écriture, et tout en découle naturellement.

Quel pourrait être ton conseil à ton toi plus jeune, à l’époque de l’enregistrement du premier album (éponyme, Tom McRae, 2000 – chef d’oeuvre) ?

Ecris un hit et deviens riche!” (rires)

Avec le recul, et suite à ce à quoi j’ai été confronté en intégrant de grandes maisons de disques, mon conseil serait d’être courageux, de moins s’inquiéter de ce que les autres peuvent penser. Celui à qui ta musique doit d’abord plaire, c’est toi. Aie confiance en ton instinct.

Il me semble que tu es très libre dans ta manière d’appréhender la musique. J’ai ainsi noté un changement dans ta voix (la question est pas mal évoquée sur le Net), douce, mais surtout plus dure, grave. Était-ce un besoin d’explorer cela maintenant, à cet instant de ta carrière ?

Oui, j’ai voulu me diriger vers quelque chose de différent et en même temps d’authentique, un univers dans lequel je me reconnais, auquel je peux croire. Je pense que faire de la musique, c’est comme partir en voyage avec ta vie et tes sons: on apprécie sortir des sentiers battus.

Comment se déroulent tes sessions d’écriture ? Est-ce que tu t’isoles, écoutes de la musique?

Le fait est que je distingue l’acte de créer et le fait d’agir tout simplement. Du coup, lorsque je me lève le matin, mon premier geste est de prendre ma guitare, mon piano, d’appuyer sur la touche “record” sans y penser et voir si quelque chose d’intéressant émerge. Mes idées commencent à me hanter, s’entrelacer avec des mélodies, “ah, peut-être que celle-ci pourrait faire une chanson, pourquoi pas changer ce refrain, ce couplet…”, je vois des choses qui s’emboîtent. Pour créer, je ne suis pas du genre à m’injecter des produits, et autres. J’ai par contre besoin de me retrouver et accepter d’être vulnérable. Je tiens un journal, pose des idées, des sensations, des souvenirs, et je puise là-dedans.

Est-ce que tu écris des poèmes ?

Oui…de la mauvaise poésie d’ailleurs…

Est-ce que tu penses que les artistes, en ce XXIème siècle, ont toujours un rôle à mener sur la scène politique ? Ils me semblent assez frileux sur le sujet…

Ce n’est pas mon rôle de dire ce qu’ils doivent faire ou pas, mais je pense qu’ils peuvent certainement le faire. Le fait est que la politique est tellement changeante qu’il me semble qu’une “protest song” ne vivra jamais aussi longtemps qu’une chanson d’amour.

Pour ma part, en tout cas, c’est plutôt naturel d’écrire sur des choses qui m’émeuvent ou m’agacent, cela se retrouve dans mes écrits… De nos jours, la nature du business fait que les artistes doivent créer le consensus autour d’eux, de sorte que le public s’en sente proche, notamment sur les réseaux sociaux. Ils doivent apparaître sous leur meilleur jour, toujours être sympas… Pourquoi est-ce que tous ces jeunes artistes ne sont pas plus en colère ?

Je me dis que ce serait bien d’entrevoir un peu leur vraie nature,  faire comprendre que ce qui dépasse du cadre n’est pas si agréable, toucher à des vraies personnalités… je pense à Liam Gallagher, par exemple…

Oh non, pas lui! Du coup, j’en viens à ta lettre ouverte, rédigée à l’attention de Russell Brand. Pourquoi lui ? En France, on le connaît surtout pour être l’ex mari de Katy Perry.

Je n’ai aucun problème avec lui, d’ailleurs, je l’apprécie et le respecte plutôt. Mais j’ai souhaité lui répondre lorsqu’il a scandé au public, “n’allez pas voter, cela ne changera rien“. J’ai trouvé qu’une telle position était plutôt dangereuse.

J’ai conscience que le système est loin d’être parfait et que l’une des possibilités serait de faire la révolution… En France, vous avez l’expérience de cela, vous en connaissez le prix, les conséquences. Et cela ne risque certainement pas d’arriver en Angleterre, certainement pas à notre époque !

Il y a trop d’enjeux dans une élection, trop de vies en balance, je ne pouvais pas le laisser dire sans réagir… Et finalement, Russell Brand a changé de position (pas grâce à moi) et il a encouragé les gens à aller voter, donc…

Interview - Tom McRae : what a way to win our hearts 2

Comment te prépares-tu pour une scène ? Nerveux ?

J’éprouve plutôt une sorte de “bon” stress. Je suis concentré, je veux faire les choses bien. C’est mon boulot, j’ai vraiment envie d’assurer, profiter du moment. J’essaie donc de rester silencieux, au calme et préserver ma voix, surtout.

Est-ce que tu prends le temps d’écouter de nouveaux artistes ?

Oui, sans être non plus focalisé sur tout ce qui sort. Mais j’écoute ce qu’on me recommande, je vais sur Spotify. J’ai récemment regardé “Later with Jools Holland“, où jouaient The Weeknd : ils sont bons. 

Quel serait ton conseil à un artiste qui se lance, avec juste sa guitare et ses espoirs ? Il me semble que c’est plus difficile aujourd’hui. L’aspirant artiste subit une grosse pression, doit bosser pour survivre, briller sur les réseaux sociaux…

Si tu veux le faire, juste fais-le. Si tu veux en vivre, vas-y, et travaille vraiment dur. Si tu as de la chance, tu trouveras un public : ce sera peut-être d’abord tes amis Facebook, tes contacts Twitter…Il est certain que le monde de la musique a évolué : il y a tellement de publics différents, le nombre d’espaces d’expression s’est démultiplié…

Ce n’est pas facile d’en vivre, de trouver un public. Clairement, la vie est plus dure aujourd’hui, y compris pour les artistes. Mais les gens arrivent pourtant à s’extirper de cela. Même si tu n’en vis pas, cela ne changera pas le fait que si ta musique est remarquable, elle ne le sera pas moins. Quant à ceux qui décident d’en vivre, ils doivent s’attendre à mener un quotidien difficile, avec peu de moyens, sans vacances. C’est une lutte! Mais tant qu’on est passionné, cette envie ne risque pas de disparaître…

J’en arrive à ma dernière question: qu’en est-il du lama (présent sur la pochette de l’album) ? En quoi a t’il été impliqué dans l’élaboration de ce disque ?

Oui, tu l’as remarqué… Nous avons une chanson sur l’album où l’on fredonne “lalalalala” et au lieu de cela, on fredonnait ”lalalala-MA”, et, bon, j’ai laissé faire!

Album: Tom McRae & The Standing Band, “Did I Sleep and Miss the Border?”

Images @ TomMcRae

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Florine
Article écrit par :
Rédactrice en chef mode / Rédactrice musique

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