Illustratrice à temps plein depuis maintenant deux ans, Anne-Julie Dudemaine se démarque par ses dessins minimalistes à l’encre noire. Rencontrée dans l’un de ses cafés favoris, l’artiste nous parle de son parcours, de poutine et de procrastination.
On croirait presque à un scénario d’Hollywood ; une jeune femme, une carrière prometteuse en publicité, et un verdict : épuisement professionnel. Après six ans en tant que chargée de projet, Anne-Julie Dudemaine tombe en arrêt de travail pendant trois mois. Trois mois pendant lesquels elle ne fait rien d’autre que dessiner, du matin au soir, ne s’arrêtant que pour manger et dormir.
Ce qu’elle dessine ? Son quotidien, ses émotions, avec le style naïf qui fait aujourd’hui sa marque de commerce. « Je pense que comme j’ai commencé à dessiner dans une période de détresse, inconsciemment, c’était réconfortant d’infantiliser les émotions, de rendre ça moins sérieux par la sensibilité de la ligne. Et puis on dessine ce qu’on aime faire, ou pas… moi je déteste utiliser une règle, je n’aime pas les lignes trop droites, trop parfaites. » confie-t-elle.
La suite des choses se devine assez facilement, Anne-Julie n’est jamais retournée en publicité. Elle s’inscrit plutôt au cégep Ahuntsic en graphisme et s’affiche officiellement comme illustratrice. Très vite, des amis et des contacts lui offrent de petits contrats. Si vite en fait que… « Je n’ai jamais terminé le programme ! avoue-t-elle. Mais j’ai énormément appris, ça m’a permis de me familiariser avec les outils, les logiciels, et de gagner confiance. »
Comme toute bonne cégépienne, Anne-Julie se rend dans les cafés pour étudier, et… procrastiner. Elle repousse ses travaux pour dessiner les endroits et les gens qui l’entourent, et amasse ainsi une bonne quantité de dessins qu’elle présente à un ami graphiste. Un échantillon de papier journal, et deux amis rédacteurs plus tard, le projet OH NON! Encore un truc sur les cafés à Montréal est né. La première édition, ROSEPATRIE, a été lancée en septembre dernier sous forme d’un petit cahier journal, puis de sacs et de t-shirts. Si l’idée de départ était d’en faire une version pour chaque quartier de la ville, l’artiste n’est plus certaine que ce soit réalisable. Elle assure toutefois que le projet n’en est pas à sa fin.
On peut également admirer les illustrations d’Anne-Julie dans le cahier à colorier du magazine culinaire Caribou. Les artistes sollicités avaient carte blanche pour réaliser des illustrations visant à mettre en valeur la culture culinaire québécoise. Celle qui se décrit comme une obsédée des déjeuners a donc choisi d’illustrer les célèbres bagels montréalais et une table de brunch où trônent deux œufs bénédictine.
En plus de ces projets, Anne-Julie Dudemaine vient tout juste de réaliser une série de gifs animés pour les rôtisseries St-Hubert. « Je n’avais jamais fait de gif avant, alors ça m’a sortie de ma zone de confort complètement, mais j’ai trippé et j’ai beaucoup appris avec ce projet-là, déclare l’illustratrice. Avec un gif, tu dois tout penser séparément, comment la jambe va bouger, la main, etc. Alors il a fallu que je change ma méthode pour… attends, je te montre. » Elle sort son cahier à dessin et le feuillette rapidement jusqu’à l’illustration d’une poutine au sourire triomphant qui lance un bout de fromage à un nacho déconfit. « Ça, c’était le genre de dessins que je faisais au début, mais je me retrouvais à devoir tout recommencer pour l’animer, commente-t-elle. Alors maintenant je commence avec un dessin très simple, et j’ajoute les détails une fois sur l’ordinateur. »
Impossible de ne pas sourire devant les traits enfantins d’Anne-Julie, et de ne pas remarquer le point commun de tous ses projets. « J’adore Montréal, et j’adore la bouffe ! Et comme je dessine beaucoup par observation, ça se reflète dans mes dessins, explique-t-elle. Maintenant je suis un peu connue pour ça, alors les clients viennent vers moi pour des projets qui vont dans le même sens. »
En effet, Montréal est partout dans l’œuvre d’Anne-Julie. De ses illustrations aux entreprises avec lesquelles elle s’associe. C’est d’ailleurs un choix conscient pour la travailleuse autonome qui reconnait l’importance de collaborer avec des entreprises locales. « On a tellement d’artistes talentueux dans tous les domaines ici, se réjouit l’illustratrice. Il y a vraiment une belle conscience locale et un rayonnement de la culture montréalaise. »
Comme dans tout bon scénario d’Hollywood, la suite de l’histoire d’Anne-Julie Dudemaine s’annonce donc heureuse, remplie de beaux dessins et de petits déjeuners.
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