Il est difficile de rendre compte de l’absence en photographie, pourtant, c’est ce que capture Arseniy Kotov avec ses clichés d’architectures soviétiques.
Des monuments fantômes
Des bâtiments gigantesques, une atmosphère sombre, des personnages isolés face à des monuments désaffectés, tels sont diverses scènes qu’a été amené à photographier le russe Arseniy Kotov. Ces mastodontes de l’architecture soviétique sont des vestiges d’un autre temps, seuls fossiles d’une ère pas si lointaine.
Ces carcasses historiques, ce sont véritablement des monuments construits à de sombres époques, peu à peu délaissés avec le temps. Principalement en Russie, mais également dans de nombreux autres pays ayant adoptés de telles républiques. Le photographe capture ces monuments, installés dans des décors déserts, comme des sortes de stèles de cimetière.
Des photos comme seuls souvenirs de ces bâtiments voués à disparaître
Après la chute de l’URSS, de nombreuses villes russes ont vu leur niveau de vie se dégrader dangereusement. Les salaires baissaient, et le coût de la vie augmentait dans les petites villes et communes. Les populations se sont donc peu à peu déplacées en direction d’endroits où il faisait bon vivre : les grosses villes. Les villes fantômes se sont accumulées, et avec elles la possibilité de se rendre dans des endroits à la fois chargés de présence humaine et pourtant complètement vides.
Pour moi, c’est important de sauver au moins en photo ces villes, parfaitement planifiées, leurs conceptions, issues des meilleurs architectes et planificateurs urbains de leur époque. Bientôt, il ne restera plus rien de ces trésors sous-estimés. Seulement des photos.
Arseniy Kotov, interview disponible ici
Arseniy Kotov est né en 1988, 4 ans avant la chute de l’URSS. Diplômé en 2010 à l’université d’aérospatiale de Samara, il a travaillé 3 ans comme ingénieur dans une usine de fusées Soyouz avant de se lancer dans la photographie. S’il explore ces paysages désincarnés, c’est pour répertorier ces carcasses de bâtiments soviétiques qui sont amenées à disparaître au fil du temps. Après avoir exploré les endroits les plus connus représentant des bâtiments soviétiques abandonnés, il s’est peu à peu dirigé vers ceux qui étaient cachés, les moins connus, qu’ils se trouvent en Russie où dans d’autres pays.
Soviet Seasons & Soviet Cities
De son art, Arseniy Kotov en a publié deux ouvrages relatant divers aspects de ses photographies : Soviet Seasons et Soviet Cities.
Soviet Seasons
L’ouvrage présente la Sibérie enneigée en hiver, le printemps en Russie centrale, les montagnes du Caucase en été et en automne en Ukraine, les photographies choisies pour Soviet Seasons montre comment un paysage auparavant utopique peut finir par flancher sous le poids de la nature elle-même.
Soviet Cities : Labour, Life & Leisure
Du cosmodrome de Baïkonour dans les steppes désertiques du Kazakhstan aux blocs dortoirs monolithiques sinistres du centre-ville de Volgograd, le jeune photographe Arsenyi Kotov nous donne une idée du rêve soviétique d’une architecture moderniste pour tous au bord de l’effacement. Il capture l’essence du monde soviétique, avec une préférence pour des lumières crépusculaires qui en disent long sur l’époque qu’elles éclairent. (résumé de l’ouvrage)
Arseniy Kotov et l’immensité de l’absence
Là où il est plutôt simple de capturer la vie en photographie, rendre compte du vide et de l’absence relève du véritable défi. Représenter quelque chose qui n’est pas, ou qui n’est plus, là se trouve le travail de ce photographe. Réalisant cette prouesse de nous place dans un entre-deux (entre deux mondes, entre deux époques), Arseniy Kotov nous livre son interprétation de l’absence. Devant ces figures immenses, quelque personne esseulée témoigne de cet isolement, de ces bâtiments disposés dans plusieurs coins du pays, en train de mourir lentement.
Également témoins d’une absence, ces monuments se font les témoins de manque de moyens : pour l’entretien de ces lieux, mais aussi de la part des citoyens qui y vivaient un temps. Par manque d’argent, certains ont dû abandonner leur vie derrière eux, pour migrer vers un soi-disant meilleur avenir possible, dans une ville plus grande.
Ici, l’absence fait la taille d’un immeuble et l’on n’a d’autres choix que de contempler.
Nous avions également parlé du photographe Tom Blachford et de ses clichés d’architecture dans cet article.
Pour retrouver l’artiste sur son Instagram, ça se passe par ici.
1 commentaire
Gvasalia
Le centre-ville de Volgograd est très joli, avec plein de verdure et bien aménagé, et vraiment beaucoup plus joli que la plupart de villes françaises — qui sont, en effet, sinistres!