Pol Taburet, le jeune plasticien français au large patchwork d’influences

Image d'avatar de Thomas DagnasThomas Dagnas - Le 10 novembre 2023

Seulement âgé de 26 ans, Pol Taburet construit déjà sa palette stylistique grâce à diverses inspirations.

Portrait de Pol Taburet
© Djiby Kebe / Lafayettes Anticipations

L’exposition OPERA III : ZOO, projetée jusqu’au 3 Septembre à la galerie Lafayette Anticipations, dans le 4e arrondissement de Paris, offre une porte d’entrée intéressante vers son art précis et précieux. On y retrouve des toiles, ainsi que des œuvres sculpturales. Motivé par l’envie de montrer au monde la vision dont il dispose, Pol Taburet élargit sa palette au maximum pour que chaque visiteur trouve son compte dans l’une de ses œuvres au minimum.

Femme qui accouche, oeuvre de Pol Taburet

Le sprint vers la reconnaissance

Pol Taburet est aujourd’hui la coqueluche française des amateurs d’art. Diplômé de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy où il a fait ses armes, il s’est ensuite émancipé pour développer sa propre touche. Récompensé en avril 2022 par le prix Reiffers Art Initiatives, puis repéré par la collectionneuse Caroline Bourgeois travaillant pour la Collection Pinault, Pol Taburet garde tout de même les pieds sur terre.

Forêt de visages blancs en forme de cônes, oeuvre de Pol taburet

Exposé aux quatre coins du monde (New York, Bruxelles, São Paulo..), il s’affaire à garder une certaine cohérence avec ses débuts. Cela passe par continuer à projeter sur ses toiles les sujets qui le touchent le plus, comme il l’a toujours fait. Des thèmes sociétaux sont évoqués : les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes, la sexualité, la violence entre individus… À côté de ça, Pol Taburet conserve aussi son âme d’enfant dans les sources d’inspiration dans lesquelles il puise. Il vise la jeunesse éternelle pour ses œuvres, tout en leur donnant une maturité nécessaire pour s’inscrire au mieux dans la société.

Homme adossé et femme à la triple poitrine

Pol Taburet puise dans ses amours culturels

Cette candeur enfantine se retrouve dans la mise en avant de ses tout premiers centres d’intérêt. Enfant des années 2000, Pol grandit forcément avec les jeux vidéos et le hip-hop. Il n’hésite pas à intégrer des bribes de ces hobbies passionnels dans ses œuvres.

Au centre de la première salle de l’exposition OPERA III : ZOO, on retrouve l’oeuvre Belly. Une fontaine vide dont la silhouette rappelle celle d’une chanteuse d’opéra. Mais surtout, cette fontaine est placée au milieu d’une pièce aux murs d’un bleu roi éclatant.

La fontaine au milieu de l'oeuvre Belly de Pol Taburet
Belly par Pol Taburet © Lafayette Anticipations

Ce qui rappelle forcément la scène d’introduction du film Belly où les deux protagonistes centraux du film débarquent les yeux blancs et fluorescents dans le bleu irréel d’une boîte de nuit new-yorkaise. Implicite, la déclaration d’amour au hip-hop est pourtant évidente lorsqu’on connaît les caractéristiques de ce film. On retrouve comme interprètes principaux les rappeurs DMX et Nas, à l’apogée de leur art lorsque le film sort en salles en 1998.

Nas et DMX dans le bleu de la scène d'introduction de Belly
Scène d’introduction du film Belly, réalisé par Hype Williams

Autre clin d’œil marquant à la culture hip-hop, les diamants et bijoux dans la bouche des personnages de Pol Taburet. On les retrouve dans le tableau A sacred pit ou encore dans le très osé The Stripper.

C’est ici un hommage appuyé à la culture bling-bling du gangsta rap ainsi qu’aux grillz, popularisés par les rappeurs trap d’Atlanta dès le début des années 2010. Adepte lui même de ce style, on peut apercevoir Pol Taburet arborer fièrement ces bijoux dentaires en pleine interview ou shooting photo. Pol Taburet peint et sculpte donc des œuvres dans lesquelles il se retrouve pleinement.

Pol Taburet arborant fièrement des grillz
Interview pour Les Inrocks TV

L’importance des racines guadeloupéennes

Si Pol Taburet a grandit à Paris, ses racines se situent à 6 750 kilomètres de la capitale, en Guadeloupe. Sa grand-mère a immigré dans l’hexagone tout jeune mère puis a transmis plus tard à son petit-fils l’amour des traditions caribéennes et religieuses. Des influences qu’on retrouve forcément dans ses œuvres. La pépite française peint des personnages énigmatiques, tout le temps noirs, parfois sans yeux et aux allures de divinités mythologiques.

Visage sans yeux ni nez

Pour être plus précis, Taburet s’inspire du « quimbois », un ensemble de croyances et de pratiques vaudous très présentes sur le territoire guadeloupéen. La mythologie est une source d’inspiration en général pour le jeune plasticien. Lorsqu’il peint le tableau Parade par exemple, il prend comme sujets les amoureux grecs Orphée et Eurydice dansant et criant, en les métamorphosant complétement.

Orphée et Eurydice dansent et chantent
Parade par Pol Taburet

Lorsque l’abstrait devient réel

Le style de Pol Taburet est frappant car il est déroutant. Comme il l’explique lui même, lorsqu’il peint, il « part très souvent d’un fond abstrait, et à partir de l’abstrait [il va] essayer de trouver des formes humaines ou animales et les mettre en valeur ». Ce mélange d’art abstrait et réaliste crée une impression spéciale. Les personnages dépeints par Taburet sont inédits, les fonds aux couleurs primaires aussi. En face d’un tableau, notre esprit sait pertinemment que rien de tout ça n’est réel mais la frontière est mince. Il est facile de s’imaginer ces créatures exister réellement puisqu’elles tendent à être humaines, et ressentent des émotions que nous expérimentons aussi : l’amour, la violence, l’accouchement, la mort…

Femme en plein accouchement

Certaines de ses créatures s’inspirent aussi d’autres œuvres intégrées par la pop culture. Il conçoit des bancs et leur intègre un visage marqué par la douleur de la vie. Ces têtes rappellent les maximonstres crées par Maurice Sendak dans Max et les Maximonstres, l’un des albums illustrés pour enfants les plus reconnus au monde. Pol Taburet aime jouer avec les images pures de l’enfance, en les trafiquant pour déboussoler le spectateur.

Encore au début d’une longue carrière, Pol Taburet intrigue et passionne déjà. Sa large palette de peintre et sculpteur ne l’empêche pas de se définir un style bien identifié. Au confluent d’inspirations artistiques intériorisées à l’école et d’images culturelles inscrites dans son patrimoine, le jeune français n’est pas prêt d’être à court d’idées. Sa vision du monde mérite d’être exposée et analysée pour longtemps encore.

Pour plus d’informations sur Pol Taburet et l’exposition OPERA III : ZOO, rendez-vous sur le site web de Lafayette Anticipations.

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Thomas Dagnas
Article écrit par :
Etudiant Grand amoureux de musique et de culture, je traite des sujets qui touchent aux variantes du rap et du RnB, mais aussi à la culture graphique.

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1 commentaire

  • Fortement inspiré de Francis Bacon (un peu trop d’ailleurs!) en mûrissant, son art s’en éloignera peut-être pour le plus grand bien de cet artiste peut-être prometteur.

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