Jugé par l’Office de l’UE pour la Propriété Intellectuelle, le street-artiste britannique se voit retirer son droit de possession d’une de ses œuvres les plus reconnues. En cause, son anonymat volontaire impliquant qu’il “ne peut pas être identifié comme l’auteur”.
Bombe à retardement
Chez Beware!, nous vous avions déjà parlé quelques fois de Banksy, l’artiste de rue engagé qui dénonce la société moderne à force de pochoirs à l’identité immanquable et autres coups médiatiquo-artistiques.
Aujourd’hui pas de bonne nouvelle pour l’artiste anonyme qui se voit perdre un procès face à Full Colour Black, une marque d’édition de cartes postales. En jeu, l’utilisation d’une image de sa fresque Love is in the Air, le fameux “Flower Thrower”. Réalisée en 2003 dans les rues de Jérusalem, cette impression au pochoir, entre poésie et dénonciation politique avait fait couler de l’encre. Dans son livre Wall & Piece (Guerre et Spray sorti en 2005), Banksy relate une discussion avec un local alors qu’il peignait sur le mur de séparation israélien : « Vous embellissez le mur » ce à quoi il avait répondu : « Merci, c’est gentil » avant de s’entendre dire : « On ne veut pas que ce mur soit beau, on ne veut pas de ce mur, rentrez chez vous. ».
Si son art divise, sa propriété n’en est pas moins un combat. Car Banksy, avec son style unique, fait vendre. Déjà en 2014, ses représentants avaient déposé une demande de marque européenne pour le Flower Thrower, mais cette demande vient d’être rejetée ce lundi 14 septembre, après un litige de deux ans. D’après le Guardian, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a déclaré avoir refusé d’accorder une marque déposée à l’artiste parce que ce dernier “ne pouvait pas être identifié comme le propriétaire incontestable” de ses œuvres, son identité restant cachée.
Être et avoir
“Banksy a choisi de rester anonyme et, le plus souvent, de peindre des graffitis sur la propriété d’autres personnes sans leur permission, plutôt que de les peindre sur des toiles ou sur sa propre propriété”, a déclaré l’EUIPO. Pourtant, en octobre 2019, l’anonyme le plus connu de l’art sauvage avait ouvert une boutique éphémère à Croydon au sud de Londres, afin de “vendre légalement sa fausse marchandise Banksy”, déjà en contestation aux réclamation de la compagnie Full Colour Black. Si le succès populaire fut au rendez-vous, les autorités européennes elles, n’avaient pas apprécié la mise en vente de productions “inexploitables et offensantes”.
En d’autres mots, le dépôt de marques de Banksy sur ses œuvres serait de “l’antijeu”, la garantie pour l’artiste d’empêcher la firme de cartes de vœux, entre autres, d’utiliser ses réalisations, sans que lui même ne l’exploite. “Une manière de “contourner la loi” pour l”EUIPO qui s’explique ainsi : “Il est clair que lorsque (Banksy) a déposé la marque, il n’avait aucune intention d’utiliser l’œuvre pour commercialiser des biens ou fournir des services […] Le problème que posent les droits de Banksy sur l’œuvre “Le lanceur de fleurs” est clair : protéger ses droits au titre de la propriété intellectuelle exigerait qu’il perde son anonymat, ce qui nuirait à son personnage”, précise le texte. Face à cette conclusion, l’avocat de l’éditeur de cartes Aaron Mills, interrogé par le site World Trademark Review, met en garde : “S’il n’y a pas d’intention d’utiliser la marque, alors elle est invalide. En réalité toutes les marques de Banksy sont en danger.”
Bouquet final ?
A ce jour donc l’EUIPO a invalidé la marque déposée et ordonné à Banksy et à son représentant légal de payer les frais de justice de Full Colour Black. L’artiste a deux mois pour faire appel. Ce qui nous amène à nous poser des questions quant à l’avenir de l’artiste et de ses œuvres. Dans une société du “je” où il devient de plus en plus difficile de se cacher, l’injonction à s’identifier tend à devenir monnaie courante. L’artiste renoncera-t-il à ses productions, qui d’une certaine manière, une fois dans la rue sont celles de tout un chacun, ou se dévoilera-t-il, après une carrière anonyme teintée des rumeurs les plus folles quant à son identité (nous vous parlions récemment de la dernière en date ) ?
Une chose est certaine, sa réponse risque de faire forte impression.
2 commentaires
Le Grunge
Big up Nono!
Munch
Parfaitement bien écrit cet article ?