Les photographies du canadien Todd McLellan fascinent. Elles mettent en scène des objets démontés dont les pièces sont scrupuleusement organisées sur le sol ou envoyées devant l’objectif dans une chute libre hypnotique. La beauté de ses clichés repose sur la volonté de montrer ce qui ne se voit pas en surface, et de transformer des objets ordinaires en œuvres d’art.
Durant toute sa vie, Todd McLellan a cherché à découvrir ce qui se cache derrière les appareils qui nous entourent. Et c’est comme un monde merveilleux qui s’offre à lui à chaque fois qu’il décortique un Macbook ou dissèque un Blackberry. Le photographe veut voir le fonctionnement de chaque chose en séparant méticuleusement ses composants. Son père était menuisier et sa mère technicienne chez Northern Telecom, ce qui explique peut-être son obsession. Déjà durant son enfance, il démontait par exemple l’ancienne chaîne hi-fi qui était dans la maison familiale.
Mais sa passion est réellement apparue il y a quelques années lorsqu’il fit l’acquisition d’un vieux téléphone. Après l’avoir laissé branché quelques mois, il décida un jour de l’apporter dans son studio pour photographier le design intéressant de l’objet. Très vite il se mit à le démonter, et jeta les morceaux en l’air. Les clichés qui en résultent ont très vite fait la célébrité du photographe. Son travail a fait l’objet d’un livre, Things Come Apart, qui a été lancé dans la chic boutique Paul Smith à Milan. Un artiste de la déconstruction diront certains, même si McLellan reste avant tout un photographe publicitaire basé à Toronto.
McLellan a une manière de procéder. Il organise à même le sol les pièces des objets qu’il désassemble. Comme si il écrivait une partition de musique, il passe parfois des heures avant de réussir à faire une composition harmonieuse. Après cela il envoie quelqu’un en haut d’une échelle qui fera tomber chaque morceau dans un ordre précis. Une chorégraphie parfois dure à maîtriser puisque certains bouts restent plus lourdes que d’autres. Il utilise ensuite Photoshop pour regrouper les fragments sur une seule photo, donnant l’illusion d’une explosion parfaite.
Souvent mis dans les catégories « art geek » ou « gadget porn », le travail de McLellan est bien plus profond. Outre le fait de rendre des objets industriels plus artistiques, il utilise cette métaphore pour nous montrer qu’on se focalise sur des apparences dans un monde toujours plus matériel. Nous passons à côté de détails étonnants et finissons ainsi par ne plus s’intéresser aux mystères qui composent ce qui nous entoure – ou plutôt ceux qui nous entourent.