Le hasard du calendrier voit Josman sortir un projet par an. Toujours avec des proses complexifiées et des sonorités (majoritairement signées Eazy Dew) qui viennent mettre en lumière les vers du rappeur d’Aubervilliers. Autant dire que les attentes pour son premier album, J.O.$, étaient hautes.
Originaire du Cher là où le rap n’aurait pas forcément sa place dans l’imaginaire collectif, Josman de son véritable nom José Nzengo développe une appétence pour une musique qu’il ne lâchera plus jamais. Les premiers vers du collège l’accompagne ensuite toute son adolescence et “J.O.S” se construit une culture hip-hop autodidacte américaine comme française. Motivé par l’envie de s’émanciper après ses années lycées, le natif de Vierzon monte sur la capitale et s’installe à Aubervilliers pour suivre des études mais le naturel revient au galop et Josman arrête la vie studieuse pour se consacrer à son art. S’il suffit d’une rencontre pour tout changer, celle de Josman et Eazy Dew (son Soundcloud) a été décisive pour le MC. Beatmaker, DJ et backeur sur scène, Eazy est indissociable au rappeur si bien que l’univers développé par Josman au fil de ses trois derniers projets n’aurait pas la même couleur sans “Dew”.
Car c’est bien un univers unique que Josman a su créer depuis son premier projet Echecs Positifs (2015). Celui d’un rappeur sûr de son art, froid d’apparence, à la recherche perpétuelle d’argent pour ne pas vivre l’expérience traumatisante du manque qu’il redoute plus que tout, pour lui comme pour ses proches. Quand j’étais en miff rien, qu’j’étais sage, quand j’étais seul, j’tirais des taffes/Pour oublier qu’les darons pour m’faire manger combinaient deux taffs (“Jeune N****”, piste 13). L’argent comme première motivation, un amour pour la gente féminine parfois ravageur, une société et un système dont il préfère rester en dehors. Résumer les thématiques de Josman en quelques lignes serait bien réducteur tant celui-ci manie un vocabulaire riche qu’il s’amuse à décliner depuis ses premiers projets pour donner une certaine profondeur au sujet qu’il rappe.
Si le rappeur juge ses projets d’avant comme du “perfectionnement”, J.O.$ était annoncé comme l’art d’un gars qui avait beaucoup à prouver. Pas de featuring (il n’en a quasiment jamais eu sur la totalité de sa discographie, ndlr) mais toujours Eazy Dew qui sert à Josman les instru’, qui participent à l’environnement sonore. L’ambiance sonore est outre-Atlantique mais la verve est bien française. Tantôt léger, tantôt grave, J.O.$ est le point d’orgue du pari – réussi – que Josman a pris il y a déjà quelques années. Toujours plus loin dans ses thématiques favorites, le rappeur ose pousser sa voix, joue des aides musicales du rap d’aujourd’hui et donne de la profondeur à son art et retranscrit sa vie sans tricher, aussi bien dans les moments durs comme dans ceux de confort.
Cet aspect s’observe dans la tracklist avec les pistes 14 à 16 lorsque le sulfureux “J’aime Bien !” figure entre “Jeune N****” et “Ce Soir J’achèterai un Flash”. Un moment de douceur malgré un monde qui brûle que le rappeur illustre avec ces trois titres mis bouts à bouts. Une théorie qu’on peut étendre à l’ensemble du projet quand une écoute des 16 titres d’affilés alternent entres les ambiances. Cette continuité dans les thématiques plurielles et désordonnées, Josman en a fait sa force et J.O.$ est la promesse d’un rap travaillé, étonnamment complexe grâce à un travail minutieux à la fois sur la musicalité et le texte. J.O.$ confirme la place de Josman dans le rap francophone, c’est désormais incontestable. Mais celui-ci aurait quand même pris sa part du gâteau, de grès ou de force.