Jean-Benoît Dunckel… Un homme, un artiste, la figure d’un groupe aux sons aussi envoûtants que mythiques, j’ai nommé Air. Il suffit de fermer les yeux quelques instants et de se remémorer tous les sons qui ont résonné comme des battements de cœur, pour se fondre avec le film « Virgin Suicide », de Sofia Coppola. Ce sont eux. De cette production en a découlé une carrière incroyable pour le groupe, aujourd’hui séparé depuis huit ans. Des sons qui nous accompagnent, nous transportent, éternellement. La raison pour laquelle j’ai voulu rencontrer JB Dunckel, qui désormais fait carrière solo.
Je commence avec une grande question, quels sont les 5 grands moments qui ont marqué ta carrière ?
Pour commencer, je dirais la sortie de “Moon Safari”. Avec Nicolas Godin, nous étions allés à la Fnac des Champs-Elysées le jour de la sortie pour regarder les bacs à disque. J’ai eu un vrai choc lorsque j’y ai vu toutes les affiches publicitaires du groupe. Après deux ans de travail, j’ai alors vraiment eu le sentiment d’arriver à l’aboutissement d’un travail mené depuis longtemps.
Ensuite, il y a eu en 2004 notre concert au Hollywood Bowl à Los Angeles. Ce soir-là, 17 000 personnes étaient présentes, dont tout le showbiz américain. Il y avait Francis Ford Coppola. Beck est venu chanter pendant le concert. Il y avait un orchestre qui jouait en même temps. Un souvenir incroyable pour moi. Deux ou trois ans ensuite, nous avons rencontré David Bowie à New-York au Madison Square Garden. Il venait y voir notre concert. C’est un vrai marqueur dans ma vie parce que j’étais et suis toujours un très grand fan de Bowie. Après, je dirais mon invitation au Festival de Cannes pour voir en avant-première « Le voyage dans la Lune » de George Méliès. C’est notre musique qui accompagnait le film. Pour finir, en 1999, on a fait un concert issu des compositions de “Virgin Suicide” alors que ni le film, ni le disque n’étaient sortis dans un endroit qui s’appelle le “Legion Hall” à Los Angeles. Un concert qui a réuni énormément de monde alors que personne ne connaissait notre musique. Les gens étaient venus simplement pour la hype, tu vois.
Après tant d’histoires, parles-nous de la réalisation dont tu es le plus fier ?
Celle avec Sofia Coppola pour Virgin Suicide puisque c’est devenu un film culte. Nous avons créé quelque chose de nouveau et de très original. Je parle entre le film et la musique. C’est un film qui est tiré d’un livre très trash, sur fond de drogue, de sexe et de suicide.
Sofia y a instauré une sorte de romantisme avec des histoires d’amour.
Air y a rétabli une certaine froideur et du darkness avec la musique.
Par la suite, nous avons réalisé d’autres musiques pour Sofia, on les retrouve dans “Marie-Antoinette” et dans “Lost in Translation” avec le son “Alone in Kyoto” .
Depuis quelques années maintenant le binôme Air est séparé, comment vis-tu ta carrière en solo ?
J’ai appris beaucoup de choses en commençant une carrière seule. Je me suis formée à la musique de films tout seul et puis j’ai développé mon propre son. J’ai l’impression d’avoir vécu tellement de choses musicalement que j’ai atteint une véritable confiance en moi dans la recherche musicale. Donc, je suis content de ce que j’obtiens. Même s’il n’y a pas de traduction de succès mondial comme c’était le cas avec Air.
Il y a de belles productions avec des fans qui sont présents alors je suis humblement content. En fait, maintenant je me sens bien dans mon petit monde tu vois. Le succès avec Air, c’était aussi assez violent. Le fait de voyager tout le temps, d’avoir tous les problèmes des apatrides. Maintenant, j’ai le sentiment d’être bien installé à Paris.
Et qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
J’écoute beaucoup Tyler The Creator, parce que je m’intéresse un peu au hip-hop, même si j’ai souvent du mal avec ce style musical. Particulièrement avec le hip-hop français. Ce que j’aime chez Tyler The Creator, c’est que ça part dans tous les sens. Ce n’est pas vraiment du hip-hop puisque l’on y retrouve du jazz, de la pop, du rock. Toutes les structures sont débrayées. C’est assez libre et c’est génial.
J’aime beaucoup aussi La Femme, Tame Impala.
J’écoute beaucoup de musiques de films également : Thomas Newman, qui a réalisé notamment la musique d’American Beauty”, Max Richter qui a composé la musique de “Ad Astra” avec Brad Pitt. Je retrouve chez lui de belles couleurs, des textures qui me font du bien.
Terminons avec une question qui résonne comme étant le point d’orgue de toute ta carrière, quelle est ta vision de l’évolution de la musique électronique ?
Je pense que la musique électronique va évoluer digitalement avec les logiciels qui ne cessent de se perfectionner. Après, il y a le monde des synthétiseurs modulaires qui depuis 10 ans est réapparu et s’avère hyper intéressant. Finalement, c’est surtout dans le digital et les logiciels que l’on voit des performances. Lorsque tu écoutes des morceaux comme ceux de Tame Impala, tu sens le logiciel derrière celui qui a été utilisé et comment il a édité sa musique pour obtenir tel type d’effet. Selon moi, c’est de cette manière-là que la musique électronique va évoluer. Ensuite, il y a l’apparition de l’intelligence artificielle qui vient rebattre également les cartes.
Là, je me permets de continuer à croire qu’il n’y rien de mieux qu’un être humain derrière un instrument pour créer des univers et notamment musicaux…
Oui, mais derrière l’intelligence artificielle, il y a un logiciel donc quelque part, on peut considérer que c’est un instrument. Tu l’éduques donc tu deviens créateur au côté de cet instrument. D’ailleurs, preuve en est, si tu créés des images à partir de l’intelligence artificielle, tu ne les détiens pas, elles appartiennent à la société. Donc je me questionne sur l’usage de l’IA dans nos musiques, même si je pense que tu as raison. La musique est faite pour les humains et rien de mieux qu’un humain pour comprendre son identique.
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