Depuis sa sortie le 18 mai dernier, JUNK HEAD a déchaîné les passions de la presse spécialisée et des amateurs de SF. Rejeton cradingue de l’homme orchestre Takahide Hori, le film a pâti d’une communication quelque peu discrète, mais s’est vu propulsé par le bouche à oreilles et une réputation toute faite dans les festivals du monder entier. Il était temps que Beware tire son propre papier sur cet oeuvre enragée et méta-organique !
Un film de Takahide Hori
C’est en 2009 que ce japonais de 38 ans, alors décorateur d’intérieur, se lance dans la réalisation d’un court-métrage de 30 minutes, qui sera le préquel de l’aventure Junk Head. Ancien étudiant en art plastique et en design, le créateur se met en tête de tout faire lui-même, et finit par publier le fruit de son travail acharné en 2013, sur YouTube. S’attirant les louanges de studio Hollywoodiens prestigieux, il opte pour un cadre artistique plus sécure et s’offre le soutien financier d’une société de production japonaise (GAGA corporation). Il s’enferme alors dans son studio dédié, et avec l’aide d’une petite équipe, entame la production d’une version longue de ce premier film pour pousser le délire encore plus loin.
Le Pitch
L’humanité a réussi à atteindre une quasi-immortalité. Mais à force de manipulations génétiques, elle a perdu la faculté de procréer, et décline inexorablement. En mission pour percer les secrets de la reproduction, Parton est envoyé dans la ville souterraine, où vivent des clones mutants prêts à se rebeller contre leurs créateurs…
Un récit macabre et grotesque
Portée par une mise en scène dynamique (quitte à manquer de sens dans son découpage), l’histoire se suit sans trop de longueur, si tenté qu’on accepte le délire visuel et auditif du réalisateur. Les personnages s’exprimant pour la plupart en grognant ou en hurlant, le film se veut comique dans sa noirceur, en multipliant les situations gore à outrance. Si la première heure est surtout faite de courses poursuites dans les couloirs et les différents étages de la méga-structure souterraine, la deuxième moitié entame une sorte de voyage du héros qui rappelle les pérégrinations des personnages du manga BLAME ! de Tsutomu Nihei, dans un univers qui en partage bien des similitudes. Visuellement marquant, avec ses scènes comico-gore qui éclaboussent la rétine et impressionnent par leur inventivité, le film porte un point de vue nihiliste sur l’avenir de l’humanité, s’inscrivant ainsi dans la grande tradition des oeuvres dystopiques de SF Japonaise (Akira, Ghost In the Shell…).
Une esthétique futuriste somptueuse et organique
Comme évoqué précédemment, le film porte en lui l’ADN du manga BLAME !, avec ses décors à l’architecture tentaculaire et son éco-système techno-organique où l’instinct primaire l’emporte sur la matière grise. Un univers hostile, peuplé de mutants et d’humanoïdes atrophiés, qui passent plus de temps à s’entre-dévorer plutôt que de poursuivre un réel dessin. Le personnage principal, naïf et infantile, mettra d’ailleurs un bon moment avant de réussir à convaincre ses alliés de se lancer dans la quête pour lequel il a été envoyé ici. Servi par le savoir-faire de Hori, l’utilisation des marionnettes et du stop-motion donne au film une esthétique tangible et organique, tandis que certains décors confinent à la poésie et à l’épure, comme ces édifices majestueux entr’aperçus dans la bande-annonce, et présents dans la dernière partie du film.
Un film à voir ?
Avec son esthétique cyberpunk et son univers décalé, Junk Head vaut beaucoup par la prouesse technique dont il est issue. Fruit du travail d’un créateur dévoué et investi à tous les niveaux, Hiro accouche d’une oeuvre cyclopéenne, dont l’élaboration a nécessité plus d’une dizaine d’années de travail. Le résultat est un long-métrage éminemment drôle, poussif et violent, qui traîne néanmoins les travers d’un récit entamé sans réel expérience filmique (notamment dans sa première partie). Un film imparfait mais osé, et une belle proposition de cinéma qu’on vous encourage à visionner par quelques moyens qui soient !