Vous connaissez Kevin Fletcher. Il a travaillé pour Netflix en tant que directeur de la photographie pour la promotion de 13 reasons why et Ozark (entre autres). Mais il est aussi photographe. Il a aussi remporté la première place au “Street photography awards 2020” (prix de la photographie de rue 2020) organisé chaque année par Lensculture. Sa série récompensée, “Avenue of roses”, porte un regard cinématographique et social sur la rue.
« je suis attiré par la beauté sublime et les histoires qui existent dans des endroits comme celui-ci ; des endroits si normaux, si quotidiens et si banals que nous avons tendance à les ignorer. »
Kevin Fletcher pour Lensculture
Pour réaliser cette série photo, Kevin Fletcher, photographe américain, a choisi comme sujet de sa série, Oregan, route et rue de Portland. L’intégralité de ses photos a été prise le long de cette avenue, fréquentée par des milliers de personnes tous les jours. À moins de 1 kilomètre de sa maison, l’Avenue des Roses semble banale, et pourtant…
Une série cinématographique
C’est une allée que les Américains empruntent quotidiennement. Elle est considérée comme neutre, fade voir insignifiante : « Elle est souvent tournée en dérision. Certains considèrent que l’Avenue des Roses est laide. Elle n’est pas connue parce qu’elle est pratique, mais surtout parce que c’est un lieu nécessaire et fonctionnel de la ville. » Décrit Kevin Fletcher. Avec sa série, le photographe a voulu porter un regard différent sur cette route.
Les photos de Kevin Fletcher sont particulières, surtout pour de la photographie de rue. Ce type de photographies est complexe puisqu’il exige une maîtrise presque parfaite des réglages de l’appareil, mais aussi de l’instinct : les sujets sont mobiles. Le photographe doit donc composer avec cette équation. Il doit gérer sa composition tout en n’ayant pas complètement la main dessus.
Une grande partie des photographies d'”Avenue of Roses” sont prises de nuit, ce qui augmente la difficulté. Pour pallier à celle-ci, Kevin Fletcher joue avec la lumière. C’est le thème principal de sa série. Elle est omniprésente mais pas forcément prédominante.
Un directeur de la photographie se charge de l’esthétique de l’éclairage dans un tournage. Il s’occupe aussi du cadre. Chaque photographie d'”Avenue of roses” est un exemple de maîtrise de la lumière et de la composition des photographies. On sent, derrière l’objectif de Kevin Fletcher, le chef opérateur.
Ses photos sont cinématographiques. Elles semblent être tirées tout droit des films pour lesquels Roger Deakins, directeur de la photographie, a travaillé : Blade runner 2049, Sicario ou encore Prisoners. On n’est donc pas surpris que Kevin Fletcher ait gagné ce prix, tant sa série est travaillée et unique.
Une série sociale
Si les photographies de Kevin Fletcher sont très esthétiques, elles sont aussi pleines de sens et surtout sociales. Il porte un regard sur la croissance de sa ville, son urbanisation, mais surtout sa gentrification.
L’Avenue des Roses sépare d’un côté les quartiers où habitent les populations précaires et de l’autre, les quartiers du centre, écologiques, où logent les populations riches : « Ce projet est un regard sur mon arrière-cour – un regard sur ma ville. Un documentaire sur la 82e Avenue avec pour toile de fond, la croissance urbaine galopante de Portland. C’est également un regard sur la façon dont nous, en tant qu’habitants, avons parfois prospéré, mais avons aussi souffert de cette croissance. » Signale l’artiste.
« Toutes les villes du monde ont une “Avenue des Roses” : c’est un lieu qui dépeint les relations à plusieurs niveaux que les humains entretiennent avec leurs environnements construits et leurs paysages urbains. Un lieu qui reflète les couches socio-économiques de la ville au sens large, et un lieu qui parle non seulement de l’isolement et de la privation de droits, mais aussi de la façon dont les communautés se rassemblent au sein de ces espaces complexes. »
Kevin Fletcher pour Lensculture
Pour le rédacteur en chef de Lensculture, Jim Casper, la sixième édition des street photography awards s’est déroulée dans un contexte particulier : celui du Coronavirus. Des centaines de photographes ont participé à l’événement. Ils ont pris des photos avant, mais aussi pendant le confinement.
Jim Casper confie aussi l’importance d’avoir maintenu cette édition : « Les grandes photographies et séries de la “vie normale” d’il y a quelques mois à peine semblent maintenant encore plus poignantes, car elles reflètent la vivacité et l’excitation des interactions humaines avant que la vie dans la rue ne s’arrête pour un temps »
Pour livrer un palmarès, la tâche n’a pas été simple. Le jury a sélectionné 6 meilleurs gagnants, 8 jurés spéciaux et 25 finalistes. Des pointures du monde de la photographie étaient juristes. Notamment Jérôme Huffer, chef du service photo de Paris match et ex-juriste pour le World Press Photo (notre article) ou encore Visa pour l’image. Mais surtout Joel Meyerowitz, pionnier de la photo couleur.
« Il y avait un pourcentage extraordinairement élevé de travaux dignes d’intérêt à regarder. Il y avait beaucoup d’œuvres et d’images uniques qui montraient des moments de grande beauté, de compassion humaine, et des événements de profonde opportunité visuelle. »
Joel Meyerowitz
On vous laisse apprécier le reste des photographies de Kevin Fletcher.
Vous pouvez suivre Kevin Fletcher sur son site officiel.
Pour consulter l’intégralité du palmarès, cliquez ici.
1 commentaire
Forest
Superbe, vraiment très beau, émouvante que cette “avenue des Roses” de Portland.
Merci pour cet article et découverte ;-).