Le Japon est un pays qui a la douceur d’une peau de pêche et la rigidité d’un pas militaire. A l’image d’un sumo, sorte de gros bébé à la puissance tankesque, le pays du soleil levant s’avère d’une redoutable complexité. L’infirmière ne déroge pas à la règle ; froid et clinique dans son mécanisme, sensible et humain dans son enveloppe.
Kôji Fukada livre un film emplein de mystère où trouble et fascination se mélangent. A travers l’histoire d’une infirmière à domicile (Mariko Tsutsui, superbe ambiguïté), le réalisateur dépeint un Japon étouffant. Le personnage d’Ichiko évolue dans un univers plastiquement irréprochable, sans la moindre aspérité, ouvrant la porte aux angoisses les plus sourdes. Lorsque l’une des filles de la famille chez qui elle travaille disparaît, la voilà suspectée de complicité d’enlèvement. C’est une spirale infernale qui semble sans fin, entre les flashs des journalistes charognards et les regards fuyants de ses collègues.
Bien-sûr, tout l’intérêt du film repose sur une unique question : est-elle coupable ? Fukada cultive l’incertitude, amenant sa protagoniste sur des terrains glissants, jouant avec les ellipses, s’offrant de superbes séquences oniriques. Cette infirmière au sourire coincé et aux yeux sucrés est plus nébuleuse qu’il n’y paraît. Le spectateur est sans cesse placé dans un sentiment d’inconfort ; un lampadaire qui clignote dans la nuit, un klaxon strident, une sonnette interminable, un marteau piqueur au loin… Plus le personnage s’enfonce et plus l’ambiance sonore semble se renfermer autour d’elle. Cependant, une mise en scène aussi implacable est à double tranchant. Sans le moindre débordement, finalement plus gris que noir, le film risque d’en laisser froid certains, malgré d’indéniables qualités techniques et des interprétations convaincantes.
Drame social qui lorgne vers le thriller, L’infirmière souffre malheureusement d’un scénario sans surprise. Il semblerait que Kôji Fukada se soit trop attardé à brouiller les pistes sur les motivations de son personnage principal et en ait oublié de fragmenter l’intrigue en elle-même. Si bien qu’il n’y a que l’infirmière de véritablement déroutée, elle qui disparaît dans la brume, face au mont Fuji, ses cheveux bleus flottant au vent comme un ultime cri de désespoir.