Rencontre intimiste avec la saisissante et émouvante Charlotte Cardin, à l’occasion de la sortie de son second EP, MAIN GIRL.
Originaire du Canada, la talentueuse Charlotte Cardin traverse les frontières pour nous livrer avec candeur, somptuosité des mélodies harmonieuses et délicates. Faufile, Paradise Motion, Dirty Dirty, la pureté des sonorités induit une forme de sensibilité attendrissante. Innocence incarnée, Charlotte Cardin allie avec grâce et justesse, le raffinement des arrangements à la dureté des amours torturés, inaccomplis. Avec exactitude et limpidité, l’artiste questionne cette douloureuse thématique. Un tourbillon d’émotions et de ressentis survient face à la beauté intemporelle de l’amour. Fascinante, intrigante, Charlotte Cardin nous surprend et nous émeut. “You know I act, Like it doesn’t hurt”.
Une année seulement sépare tes deux projets fondamentaux. Comment pourrais-tu comparer ton premier EP BIG BOY (2016) à ton second MAIN GIRL (2017) ?
Comparer BIG BOY et MAIN GIRL est une tâche complexe étant donné que les projets suivent une ligne directrice similaire. Les thématiques abordées telles que les relations humaines et la romance moderne sont omniprésentes au sein des deux projets. Avec MAIN GIRL, nous sommes allés davantage en profondeur en complexifiant les arrangements. Lors de la production, nous tendions vers des sonorités plus entrainantes. J’ai écrit et composé ces musiques au cours de la même période c’est la raison pour laquelle la continuité me semble être plus adaptée pour définir ces projets. Actuellement, nous sommes dans une phase d’introduction nous cherchons donc une cohérence, une pertinence des messages communiqués, non un renouveau.
Que souhaitais-tu véhiculer comme émotions lors de l’écriture de MAIN GIRL ?
Je ne me souviens plus précisément de mon état d’esprit lors de l’écriture, seulement de ce que je voulais transmettre. A la suite du récit de l’une de mes amies, je voulais évoquer l’idée que nous sommes mieux seuls que mal accompagnés. Nous devons nous débarrasser des relations néfastes qui nous entourent pour acquérir une certaine force et indépendance. MAIN GIRL valorise une image de femme forte. Nous ne devons pas rester dans des situations négatives et blessantes mais apprendre et en ressortir plus fort.
“All risk and no gain, and I’m a fool to love the pain
Don’t leave me hangin’on, you misunderstood me all along
A fool to love you, a fool to love you
I’m a fool to love the pain”
Le clip MAIN GIRL a été consulté plus de 2 millions de fois. T’attendais-tu à recevoir un tel succès ?
Absolument pas ce qui est un bel accomplissement. Nous avons réalisé le clip en Islande au milieu de paysages somptueux. La grandeur de ce qui nous entourait était une métaphore pour traduire la grandeur des relations humaines et la force des femmes. Les conditions de tournage étaient rudes, j’avais constamment froid. Je mettais des heures et des heures avant de me réchauffer mais c’était une expérience inoubliable.
Nous ressentons une certaine mélancolie à travers tes titres, une forme d’amour sombre et rarement accomplie. Comment expliques-tu cela ?
J’éprouve une certaine difficulté à écrire des chansons optimistes et positives. L’inspiration me semble davantage spontanée et naturelle pour traduire une certaine tristesse. Cela peut paraitre contradictoire étant donné que je ne suis pas une personne sombre dans la vie mais la moitié de mes compositions est romancée. Ce ne sont pas particulièrement des expériences personnelles mais je me sers d’histoires communes pour véhiculer des émotions fortes.
Les versions acoustiques sont omniprésentes au sein de tes EP. Est-il important pour toi de proposer des versions variées ?
La plupart de mes musiques sont composées de manière brute, dénudée et sans arrangement. La simplicité du piano-voix me permet de communiquer un message différenciant et fondamental. Parfois, nous nous enfermons dans la production en créant des sonorités entrainantes mais la base repose dans une version davantage intimiste et personnelle. Il est important pour moi de proposer un squelette de mes compositions pour créer une certaine proximité avec le public.
As-tu des rituels d’écriture ou un processus de création particulier ?
Le piano est ma source d’inspiration première, c’est une forme de processus de création. L’écriture des paroles et la composition des mélodies se fait en même temps. Je joue avec les accords en me laissant porter par des sonorités. Au cours de cette recherche spontanée, des messages naissent naturellement en faisant écho au piano. Je sais souvent ce que je souhaite véhiculer ou non. L’écriture des musiques se fait régulièrement en une heure mais un retravaille est nécessaire.
En français ou en anglais tes compositions demeurent fluides et poétiques. Comment fais-tu le choix de composer certains morceaux en anglais ou en français ?
J’ai passé mon enfance au sein d’un univers bilingue à Montréal. Toute mon éducation repose sur la langue française mais nous avons constamment fréquenté des anglais. Ma grand-mère est canadienne anglaise ce qui me permet de connaître et d’appréhender ces cultures diverses. Lors de la composition, tout me semble fluide. Parfois je commence une musique en français puis la traduit en anglais mais ce n’est en aucun cas un choix conscient. Le Franglais bien dosé peut être magnifique.
Quel souvenir pertinent lié à la musique est susceptible d’avoir influencé la tienne aujourd’hui ?
Depuis mon enfance, la musique est un univers qui me passionne. Après le dîner, ma mère nous apprenait à faire des harmonies. Elle tenait à nous enseigner ce savoir qui était ludique. Cette démarche est actuellement bénéfique et enrichissante pour mon processus artistique. En studio, nous devons constamment utiliser des harmonies ce qui est mathématique. Une fois que nous savons faire cela, il est facile de les réutiliser et de les déployer.
Ta carrière musicale est-elle due à une rencontre inattendue ?
L’émission THE VOICE est une forme de concrétisation et de hasard. Le désir d’évoluer dans la musique était ancré en moi mais cela m’a permis de prendre conscience que ce n’était pas impossible. En participant, je n’avais aucune attente particulière mais c’était une expérience enrichissante. J’ai vécu ma première expérience de tournée avec Nick Murphy pendant deux mois aux Etats-Unis. C’est une belle rencontre et une belle personne qui apporte des conseils pertinents et bienveillants. Il m’a réellement accompagné lors de cette expérience.
Comment appréhendes-tu ces deux prochaines années ?
L’euphorie et la hâte définissent mon état d’esprit. J’ai envie de partager ma musique et de partager des moments avec des personnes issues du monde entier. C’est un processus long mais nous conservons cette motivation et nourrissons cette envie. Nous nous produirons à Paris le 1er mars prochain.
Crédits photos: Louise Naegelen et Charlotte Cardin