L’illustratrice Tiffany Cooper, rendue célèbre avec son blog « Le Meilleur des Mondes Possibles » et sa récente collaboration avec Karl Lagerfeld, répond ouvertement à l’interview de Beware. C’est l’occasion de découvrir son parcours, sa fibre artistique et son trait d’humour, qui est indéniablement sa qualité créative la plus chère.
Qui es-tu, Tiffany Cooper ?
Tiffany Cooper : Je suis une illustratrice et auteure de bande-dessinée de 30 ans qui vit à Paris.
Pourquoi es-tu devenue illustratrice ?
T.C : J’ai étudié aux Arts-Décoratifs de Strasbourg et je dessinais déjà à l’époque mais je ne me voyais pas du tout en faire un métier. Je trouvais le travail des autres bien plus intéressants. Mais comme la majorité d’entre eux étaient bloqués pour parler d’eux, je souhaitais mettre en avant les artistes qui me semblaient prometteurs. J’ai donc commencé par travailler un an dans une galerie d’art contemporain comme assistante avant de complètement changer de chemin et de m’avancer vers le milieu de la mode. Je ne savais pas très bien quel poste pouvait me correspondre alors j’ai commencé en bas de l’échelle, par la vente. Un cauchemar : vu comme je suis hyperactive, me garder enfermée dans une boutique c’est me sous-exploiter. Alors j’ai visé plus haut en contactant la RH de chez Isabel Marant avec qui on a eu un bon feeling. Et le jour où elle est partie en congé maternité, elle m’a demandé de la remplacer. J’ai occupé ce poste trois ans avant de le quitter. C’est quand je suis partie que j’ai profité du temps que j’avais devant moi pour voyager et… commencer un blog de bande-dessinée. Quand j’ai recommencé à dessiner, cela faisait cinq ans que je n’avais pas touché un stylo ! Voilà comment je suis devenue illustratrice.
Comment “Le Meilleur des Mondes Possibles”, blog incontestablement drôle et se jouant des clichés parisiens, est-il né ?
T.C : J’ai commencé le blog sans aucun but particulier sinon celui de m’exprimer avec humour sur mes expériences dans la mode et mes galères de chômeuse. Je l’ai vraiment démarré pour m’occuper créativement pendant que je cherchais du travail. Puis c’est devenu un défouloir où je parlais aussi de gossips, de new fashion, de lois insolites, etc. Au bout de quelques mois seulement, j’ai contacté une centaine de journalistes et d’éditeurs au culot. Et parmi ces cent personnes, UN éditeur m’a proposé d’en faire un livre numérique, puis un livre papier. Et là j’ai compris que si je me donnais à fond, je pourrais peut-être en faire une carrière. J’ai mis toute ma bonne énergie et mon espoir là-dedans. Et cela a fini par payer !
Selon toi, l’humour est un moyen de liberté d’expression, quelle approche emploies-tu en créant tes personnages ?
T.C : Je n’ai pas vraiment d’approche, cela vient de ce que je pense moi directement, c’est mon sens de l’humour. Ce qui est drôle, c’est que par le biais de l’illustration, tu peux faire dire ce que tu veux à qui tu veux ! J’aime beaucoup exprimer tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Ou faire dire des choses stupides à des personnes sérieuses.
Auteure de bandes dessinées telles que Tout va pour le mieux, qu’est-ce qui t’intéresse le plus dans ce registre ?
T.C : Écrire un roman graphique est une vraie chance. Mais pour être honnête, c’est aussi un vrai calvaire à chaque fois ! C’est un boulot monstre, cela te prend tout ton temps et toute ton énergie et tu ne vois pas le résultat même quand tu as fini. Un livre, cela sort au moins deux mois après que tu l’aies rendu ! Mais quand tu le tiens enfin dans tes mains, tu te dis « Putain, cela valait le coup !». C’est quelque chose qui reste, un livre. Quelque chose qui se partage, qui s’offre, qui perdure. Contrairement à une campagne de pub ou à une illustration dans un magazine.
Penses-tu avoir un rôle en tant qu’illustratrice ? Si oui, lequel ?
T.C : Je vais dire quelque chose affreux, égoïste mais non. Je n’ai aucun rôle à jouer, si ce n’est de m’amuser. Je ne fais pas de dessin engagé, en tout cas pas pour l’instant. On pourrait dire que j’ai le rôle de ne pas décevoir mes lecteurs, mais ça non plus ! Par exemple, mon deuxième livre était plus dur, moins « populaire » que le premier, j’ai même sans doute déçu certains de mes lecteurs, plus habitués à mon humour sur le blog. Mais ce livre je l’ai fait pour moi. Cela dit, le livre que je viens de finir sur Karl Lagerfeld (qui sort en septembre), je me suis amusée à le faire et je pense qu’il fera rire les gens !
L’exposition « MASH UP » que tu as réalisée en Janvier dernier à la Swimming Pool’s gallery (Luxembourg) montre clairement un dessin simple et regorgeant de concepts, comment pourrais-tu définir ton style ?
T.C : Pour cette expo, j’ai testé quelque chose de nouveau, pour changer de mon style habituel très « bande-dessinée » : j’ai dessiné avec un pinceau japonais et cela donne quelque chose de très différent du feutre classique que j’utilise habituellement. Au début, cela m’a perturbée de moins bien contrôler mon trait, mais finalement c’était assez libérateur. Et puis sur cette expo, j’adorais me souvenir de tous les films qui m’avaient marqué dans ma vie et plus particulièrement dans mon enfance. J’ai ré-exploré ces films qui ont nourri ma culture et mon imagination pendant des années, c’était comme fouiller dans une malle de trésors. Au final, cela donnait l’impression d’une banque de données d’images issues de mon cerveau. Et peindre directement sur un mur : quelle belle découverte aussi ! J’ai hâte de recommencer !
Quel serait ton souhait créatif le plus fou ?
T.C : J’en ai déjà réalisé pas mal… J’ai quand-même collaboré avec le kaiser de la mode Karl Lagerfeld ! Après cela, c’est difficile de viser plus haut ! Je crois que mon rêve ultime serait de faire une couverture pour The New Yorker. La consécration. Une autre envie un peu dingue aussi serait de créer un personnage humoristique qui deviendrait aussi célèbre que Snoopy ou Garfield. Je l’ai déjà inventé mais j’attends un peu avant d’en faire quelque chose.
Un conseil pour tous ceux qui souhaiteraient devenir illustrateur…?
T.C : Je dirais, dessiner tous les jours ou le plus régulièrement possible en tout cas. Il n’y a pas de secret : c’est en travaillant qu’on s’améliore. Je pense qu’il faut produire beaucoup mais surtout communiquer son travail avec d’autres, par le biais d’un blog, d’un site (si vous saviez le nombre de créatifs que je connais qui n’ont même pas de site internet !) ou grâce aux multiples réseaux sociaux à notre disposition. Car avoir du talent et être déterminé c’est une chose, savoir communiquer ç’en est une autre. C’est un outil indispensable pour se faire connaître et réussir à en vivre !
Maintenant que les présentations sont faites, vous pouvez suivre ses aventures et découvrir ses dernières réalisations sur son site.