Pendant plusieurs dizaines d’années, Wendel White, photographe afro-américain s’est intéressé aux écoles qui pratiquaient la ségrégation scolaire. Son travail résonne particulièrement avec l’actualité, notamment le mouvement “Black Lives Matter”.
Alors que le photographe travaille sur une série intitulée “the small towns black lives”, il photographie et discute avec les adultes de la communauté afro-américaine du New Jersey. Il y rencontre Gladys Spaulding. La femme est alors le point de départ de sa série “School of colored”.
Elle lui raconte l’histoire d’un bâtiment situé à 30 mètres de chez elle. Il servait de classe unique pour les élèves afro-américains de Whitesboro. Gladys Spaulding évoque le travail qualitatif des professeurs noirs de l’école mais aussi les difficultés qu’ont eu les élèves de passer d’une école primaire ségrégé au lycée à prédominance blanche.
« Les enseignants blancs percevaient les élèves noirs comme des intrus. »
Wendel White
Plusieurs années après cette conversation, Wendel White est convaincu : « Cette rencontre est devenue le fondement de mon intérêt pour le rôle de l’école. C’est l’un des espaces les plus durables pour la définition de l’identité raciale et de classe dans le paysage américain. »
Photographier l’Apartheid
Le photographe commence à s’intéresser aux structures et sites des écoles qui fonctionnaient par la ségrégation. Ses photographies sont uniques. Si la plupart de ces bâtiments ont disparu, Wendel White réussi à leur redonner vie. Au lieu de photographier l’absence et le passé tels quels, il ajoute les silhouettes des bâtiments disparus. On pourrait croire que les bâtiments sont toujours là, intactes. Et pourtant, ils ont bien été ajouté par le photographe.
« Certaines des images représentent des sites où la structure originale n’est plus présente. En guise de support, j’ai inséré des silhouettes du bâtiment d’origine ou ce que j’imagine de l’apparence du bâtiment d’origine. »
Wender White
L’artiste nous livre des photos chromées. Les paysages sont en retrait par rapport au reste de la photo. Les anciens lieux de ségrégation dominent la composition. Ils sont noirs, blancs. Leurs couleurs contrastent sur les tons fades de l’arrière-plan des images. Selon Aline Smithson, fondatrice du journal de photographie contemporaine Lenscratch, les paysages entourant les bâtiments sont une métaphore de la perte, de la séparation et de la division.
Dans un article pour LensCratch, Wendel White avoue s’être inspiré du concept du sociologue William Edward Burghardt Du Bois (W.E.B. Du Bois). En 1920, le sociologue publie “Darkwater: Voices From Within the Veil“. Il théorise le concept du voile. Pour lui, chaque noir américain a une double vie : celle d’un noir et celle d’un Américain. Il explique que le voile de la ségrégation et le voile de la race ne font qu’un. Ce voile doit être levé. Il doit aussi être compris par les personnes blanches.
Le voile des photos de Wendel White est une métaphore littéraire du voile de W.E.C BuBois comme barrière sociale.
Pour sa série photo, Wendel White se focalise sur la frontière sud du nord des Etats-Unis : New Jersey, La Pennsylvanie, l’Ohio, l’Indiana et l’Illinois : « Je m’intéresse particulièrement aux régions des États “libres” du nord qui bordaient les États esclavagistes (parfois appelés “Up-South”, juste au-dessus de la ligne de démarcation de la liberté) en tant que régions de concentration unique de colonies noires au cours des XIXe et XXe siècles. »
En 1957, l’arrêt Brown abolie la ségrégation scolaire. Les enfants noirs peuvent alors s’inscrire dans des écoles secondaires blanches. Mais la déségrégation s’effectue surtout en 1988 : 45% des étudiants américaines fréquentaient une école à majorité blanche. Cette proportion a fini par baisser au fil des années.
Si vous voulez voir les autres travaux de Wendel White, vous pouvez visiter son site officiel.