Peintre, sculpteur, Tomáš Libertíny est un artiste confirmé. Toutefois, pour la plupart de ses œuvres, il ne travaille pas seul mais en collaboration avec… des abeilles !
Néfertiti en cire d’abeille
Selon le modèle 3D du buste de la grande Reine d’Égypte, Tomáš Libertíny a construit l’ossature de sa sculpture de cire. Mais pour qu’elle prenne sa forme finale il aura fallu deux ans et l’aide de près de 60 000 abeilles ! L’artiste se pose comme un designer et laisse libre cours aux abeilles qui ont tout leur temps pour le travail de création. Le choix de Néfertiti n’est pas anodin : la force et l’immortalité du portrait de cette Reine sont rejouées par le travail méticuleux et infini des abeilles avec la cire.
Néfertiti n’est pas la première figure éternelle de l’Antiquité à être immortalisée par le travail “collaboratif” de Tomáš Libertíny et de ses abeilles. Brutus précède en effet la reine d’Egypte dans la série de sculptures en cire de l’artiste. À travers les bustes de ces deux emblèmes dont on connaît encore aujourd’hui l’histoire, bien que leur corps soient six pieds sous terre, l’artiste fait une sorte d’hommage à la puissance de la nature qui résiste à l’écoulement du temps.
Une idée qui a fait son chemin
Avant d’arriver à ces deux bustes d’êtres humains, Tomáš Libertíny a créé toutes sortes de sculptures, toujours à l’aide des abeilles. Leurs premières réalisations en commun tenaient dans une main (la série The Honeycomb Vase) ! Maintenant leurs sculptures sont de plus grandes tailles et prennent des formes diverses et variées. Comme quoi, la nature aussi peut créer des œuvres…
L’essence même de ces sculptures repose sur leur création si particulière. En ce qui concerne le buste de Néfertiti, sa réalisation par les abeilles étaient accessible au public de l’institut Kunsthal à Rotterdam en 2019. Si, comme nous, vous avez loupé ça, pas de crainte. Le site internet de Tomáš Libertíny, en plus de nous présenter les sculptures de cire sous leurs plus beaux angles, nous expose le processus de création de certaines d’entre elles à travers des vidéos.
Nature et humanité
La pérennité et la force créatrice de la nature sont au cœur de la réflexion de Tomáš et de son travail avec les abeilles. Dans ces sculptures de cire il y a quelque chose de permanent, bien plus permanent que nous, pauvres humains ! Cette idée est renforcée par les photographies des œuvres dans les différentes galeries. On les voit, posées là, presque figées, alors que derrière elles, les spectateurs sont flous comme s’ils ne faisaient que passer. Les sculptures, elles, restent.
Les réalisations de Tomáš Libertíny avec les abeilles jouent avec cette vieille opposition entre nature et culture. Difficile de les séparer lorsqu’on regarde les sculptures de cires recouvertes de niches. Ce qu’on peut malgré tout affirmer, c’est la résistance de cette bonne vieille Mère Nature contre laquelle nous ne sommes pas grand-chose. Le métal et le verre qui protègent ses œuvres semblent parodier cette association entre quelque chose de fragile, qui se brise, et un autre élément solide et résistant. Des artistes comme Tomáš Libertíny ou encore Wona Bae et Charlie Lawler puisent leur inspiration dans la fusion entre la nature et l’homme, fusion qui devient l’essence même de leurs projets.
Les abeilles sont présentes dans l’art de Tomáš Libertíny même lorsqu’elles ne participent pas directement. Avant de protéger les sculptures en cire, le verre et le métal lui ont servi pour The Sentinel, impressionnante sculpture de près de 2 mètres de haut qui représente les niches des ruches d’abeilles. Un autre message est délivré à travers le travail de Tomáš Libertíny : les abeilles sont une espèce fragile et menacée.
En 2017, l’artiste expose la photographie en gros plan d’une abeille trouvée morte devant sa ruche. Cette abeille est le signe de son espèce en danger, mais aussi le symbole de l’être qui se tue à la tâche pour réaliser quelque chose qui lui résistera.