Depuis plusieurs années maintenant, Beware! propose à ses lecteurs, un rendez-vous incontournable, le palmarès du World Press Photo, et cette année, comme les précédentes, les juges ont sélectionné les gagnants.
Le pouvoir de la jeunesse et de l’art
Retour sur le Word Press Photo 2020 et le cliché d’Yasuyoshi Chiba, photographie d’un jeune homme Soudanais après la chute du dictateur Omar-el-Bechir.
19 juin 2019, Kharthoum, capitale du Soudan. Chemise bleu clair, bouche grande ouverte d’un jeune homme au milieu des habitants, récitant un poème de protestation, éclairé par des dizaines de téléphones portables, cliché de Yasuyoshi Chiba qui remporte le prix du “World Press 2020” qui, aux yeux des jurés, symbolise « l’espoir » en illustrant le pouvoir de la jeunesse et de l’art.
Le photographe de l’AFP, Yasuyoshi Chiba a remporté ce jeudi, le prestigieux titre de World Press 2020, pour un cliché tant poétique qu’engagé, intervenant quelques mois après la chute du dictateur Omar-el-Bechir, en avril 2019. Yasuyoshi Chiba, 48 ans explique : “c’est le seul groupe qui manifestait pacifiquement que j’ai rencontré pendant mon séjour et j’ai été touché par la solidarité invaincue de leur révolution”. La photo “montrait que les gens avaient toujours cette passion à l’intérieur et j’avais le sentiment d’être l’un d’eux”, poursuit-il.”J’ai vu comment la forte volonté des gens était là et qu’elle ne pouvait pas être étouffée par la violence“.
Informations générales, reportages
Dans les autres séries de photographies primées, on retrouve celle de Nicolas Asfouri, un photographe danois vivant à Pékin. Grand vainqueur de la catégorie “Informations générales, reportages”, il nous offre une série d’images sur les manifestations se tenant à Hong-Kong en faveur de la démocratie. Nous nous retrouvons replongés dans cette année 2019 au cœur des tensions lors des manifestations d’Hong-Kong en faveur de la démocratie. Les étudiants occupent les universités, bloquent les axes principaux de la ville, pour une lutte acharnée entre la Liberté et Pékin. Une série de photos qui nous plonge au sein d’une expérience à 360° dans un moment décisif de l’Histoire.
Mais il est important de revenir sur la deuxième place attribuée à Fabio Bucciarelli. 4 décembre 2019, des femmes, de Santiago del Chili, interprètent “Un Violador en tu Camino” (Un violeur sur ton chemin). C’est une chanson de protestation contre les violations des droits des femmes, réutilisée à travers l’Amérique latine avant de s’étendre au reste du monde, devenant un hymne féministe. C’est ce moment que Bucciarelli capte, cet instant de virilité féminine et d’émotion pure de cris de femmes luttant pour leurs libertés.
Sport
Sans transition, le sport où le troisième prix dans la catégorie “Sport” est décerné à Oli Scarff pour sa marrée humaine de supporter du club de foot Liverpool après sa victoire contre Tottenham Hotspuren finale de l’UEFA Champions League, ou comment la célébration d’une victoire dans le sport, et surtout dans le football, est la plus significative.
Mais c’est la photo Mark Blinch qui remporte le premier prix dans la catégorie “Sport”. Nous sommes immergés dans un match de basket, les raptors de Toronto affrontent les 76ers de Philadelphie. Moment important de l’histoire du Basket puisque la photo capte la série marquée par le premier buzzer beater de l’histoire dans un septième match pour la victoire en playoffs par Kawhi Leonard, premier club à remporter une finale de NBA, hors USA.
Enjeux contemporains, image seule
À la troisième place de cette catégorie, Mark Peterson revient sur le nationalisme Américain exacerbé par l’arrivée au pouvoir de Trump en 2017. Sur cette photo, on retrouve des membres du groupe suprémaciste blanc Shield Wall Network célébrant l’anniversaire d’Hitler, sur le lac Dardanelle en Arkansas. Il ne faut pas oublier que l’US Homeland Security désigne la suprématie blanche comme une menace terroriste de premier plan. Toujours est-il qu’aujourd’hui encore, la question de la judéité continue à poser problème.
L’AFP est à l’honneur pour cette année 2020 puisque le photographe indépendant Sean Davey a également reçu un prix, dans cette catégorie. Il nous livre une photographie prise pendant les incendies dévastateurs d’Australie de fin d’année 2019, les plus importants de l’histoire de l’Australie. Cette image est prise dans un centre d’accueil où des enfants jouent tout en portant un masque. Leurs visages sont enjoués, contraste saisissant couleur presque orangée des incendies qui se reflète sur la photo. Pourtant se joue derrière une des plus grandes catastrophes climatiques de l’Australie.
Enfin, la première place de cette catégorie est attribué à Nikita Teryoshin. Après une journée passée au salon et à la conférence internationale de la défense (IDEX) à Abou Dhabi en février dernier, elle photographie un homme d’affaires en train de ranger une paire de roquettes antichars. Mannequins, environnement artificiel et images d’écran prennent donc place au milieu des hommes d’affaires, un salon à l’air d’un jeu vidéo en opposition totale à l’engagement des Emirats Arabes Unis et de la guerre au Yémen. Une photographie qui montre l’arrière de la guerre avant la folie meurtrière.
Environnement
Cette année, les incendies n’ont pas fait rage qu’en Australie. Malheureusement, comme presque chaque année, la Californie est également touchée. Ici, les pompiers combattent l’incendie du complexe Marsh, près de la ville de Brentwood. Le feu du complexe Marsh a commencé près de Marsh Creek Road, dans le comté de Contra Costa, le 3 août et a brûlé jusqu’au 7 août, détruisant plus de 300 hectares de terrain. Environ 81 000 hectares (200 000 âcres) ont brûlé dans tout l’État de la Californie en 2019. De nombreux scientifiques ont attribué les premiers incendies à la crise climatique, affirmant qu’une atmosphère plus chaude signifie que la végétation se dessèche plus qu’il y a un siècle. Mais le président Trump accuse le gouvernement de l’État de Californie de mauvaise gestion des forêts, affirmant que c’était la cause des incendies, renforçant son scepticisme quant aux enjeux climatiques de ce 21ème siècle.
Les enjeux environnementaux en Arctique, sont aussi des plus alarmant. Esther Horvath photographie un ours polaire et son petit qui s’approchent de l’équipement placé par des scientifiques de Polarstern, un navire qui fait partie d’une expédition scientifique enquêtant sur les conséquences du changement climatique dans l’Arctique et dans l’océan Arctique central, interrogation du grand tournant de l’environnement du 21ème siècle.
Portraits
Il y a également la récompense pour les portraits de ces hommes et de ces femmes à travers le monde. Récompensée par une troisième place, la photo d’Alon Skuy met en avant le danseur contemporain Musa Motha. Particularité du jeune homme, il subit une amputation de la jambe à l’âge de 11 ans, lorsqu’on lui diagnostique un cancer. Il a appris à utiliser la gravité et ses béquilles, instant d’un grâce inouïe capté par Skuy
À la deuxième place, il y a le portrait de cet artiste et activiste drag, Belinda Qaqamba Ka-Fassie. La démarche de la photographe Lee-Ann Olwage et de Belinda, est de mettre en avant les personnes homosexuelles, transgenres… avec pour but d’offrir un moyen à la communauté LGBTQ+ une visibilité plus grande et un moyen d’identification plus importante pour les générations suivantes, là où dans l’espace public, cette communauté est encore soumise à la discrimination et à la violence.
À la première place de cette catégorie, on retrouve une photo de Tomek Kaczor photographiant une jeune arménienne de 15 ans, Ewa. Elle a été photographiée dans un centre d’accueil de réfugiée à Podkowa Lesna, en Pologne. Particularité de cette jeune fille, elle vient de se réveiller d’un état catatonique provoqué par une maladie connue sous le nom de syndrome de démission, fréquente chez les enfants traumatisés par de longues procédures d’asile.
Reportage photo de l’année
Un Français a également été récompensé, Romain Laurendeau, Lauréat dans la catégorie “Reportage photo de l’année” pour une série d’images en noir et blanc sur la jeunesse algérienne au centre d’une révolte massive. À travers les photos de ces jeunes, il revient sur l’histoire et l’existence d’un profond malaise qui oppose jeunesse et gouvernants. Les jeunes défient l’autorité, rallient les populations, donnant naissance au plus grand mouvement de protestation en Algérie, depuis plusieurs décennies. Un projet de Romain Laurendeau qui s’étend sur cinq ans, dans un pays ou 72% de sa population à moins de 30 ans (selon l’UNESCO). Une série de photos qui documente la condition humaine et les aspects sociaux, économiques, et politiques sans oublier les aspects parallèles dans des “bulles de libertés” à l’écart des conservateurs. Une série de photos en noir et blanc, certes, mais bien vivante.
Retrouvez toutes les photos du World Press Photo sur leur site internet, pour un tour du monde en photos d’une poésie mélancolique et quelques fois alarmiste.