DEMNA GVASALIA : LE NOUVEAU PARI DE LA MODE

Image d'avatar de AnneAnne Peron - Le 1 avril 2016

Il s’appelle Demna Gvasalia, il est Géorgien et designer à la fois, mais surtout, il révolutionne le monde de la mode.

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Porte-parole et fondateur de Vetements, collectif ultra créatif devenu en seulement deux saisons la marque à suivre, Demna a insufflé une nouvelle vie dans la mode parisienne en jouant la carte de la disruption avec les maisons de coutures les plus anciennes et conservatrices.

Étudiant à l’Académie des beaux-arts d’Anvers avant de travailler chez Maison Martin Margiela où il dirige les collections Femme jusqu’en 2013, il devient ensuite designer des collections prêt-à-porter femme chez Louis Vuitton, durant l’époque Marc Jacobs puis Nicolas Ghesquière. Rien que ça.

VETEMENTS : COLLECTIF, ALTERNATIF, CRÉATIF

Frustré de suivre un schéma tout tracé de plans de collections au sein des grandes maisons, ce créatif alternatif très inspiré par l’underground parisien s’entoure de sept anciens du studio de Martin Margiela, avec pour objectif de créer et vendre des vêtements dans lesquels le public saura se projeter.

«Ce qui ne fonctionne pas aujourd’hui, c’est qu’il n’y a aucune relation entre la vision créative et la vision commerciale » confie-t-il au très respecté média web Business of Fashion. Le gang Demna brise ainsi les conventions et fait rêver en apportant une dimension plus réelle à la mode. Le vêtement, le vrai, est remis sur le devant de la scène pour représenter un label nourri d’inspirations créatives diverses, réunies dans des pièces simples, mais ultra-pointues.

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Et Demna ne s’arrête pas là : « Nous pensons qu’il est inévitable et crucial de créer des vêtements contemporains. L’ingrédient le plus important pour nous est la réalité, ce que notre femme porte pour se sentir bien.”

Et ça se traduit par déconstruire pour mieux reconstruire, (influence de la ligne artisanale Margiela) autrement dit, retravailler des pièces de fripes pour recréer des formes et des textures nouvelles : allonger les manches, logotiser les tee-shirts, déployer les épaules, et surtout, mêler les genres, à la fois néobourgeois sophistiqué et streetwear plus négligé. Le résultat ? Des doudounes « oversize », des vestes en jean portés sur l’arrière, des tee-shirt à logo DHL, une robe portefeuille aux manches XXL et cuissardes, en bref, un style qui revendique l’esprit néo-friperie du label.

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“C’est vrai, je suis plus Château-d’Eau que Café de Flore » confie Demna. Aux salles hors de prix très prisées, lui préfère le club gay « Le Dépôt » pour dévoiler en mars 2015 le premier défilé parisien de Vetements. Côté casting – androgyne et sauvage -, là encore, Demna se distingue en faisant défiler ses amies, une esthétique 100% Vetements. « Nous avons aussi besoin de voir nos vêtements sur les gens qui achèteront nos créations et ils ressemblent plus à nos amis, qu’à des mannequins aux jambes interminables. »

Si les défilés nous plongent littéralement dans une ambiance berlinoise, la démarche créative s’inscrit dans une volonté de réalisme assumée.

Ce premier show en laissera quelques-uns perplexes, certes, mais beaucoup décèlent un nouveau talent dont la vision avant-gardiste pourrait bien provoquer un vrai choc dans l’histoire de la mode.

Et on peut dire que le bouche-a-oreille a fait sont petit effet. Le désir du collectif de désacraliser la mise en scène de la haute couture pour se recentrer sur le vêtement – d’où le nom du label et une discrétion à la Daft Punk (refus de se faire photographier) – a vite fait des adeptes. Vendue à prix luxe dans quelques shops prisés du monde entier, la marque finaliste du très couru prix LVMH 2015 a profité de sa notoriété soudaine pour attirer le gratin de la presse mode et des « people » lors de son show, le jeudi 1er octobre au Président, restaurant chinois de Belleville.

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En revendiquant cette nouvelle façon de créer, Demna Gvasalia touche également l’Industrie de la mode et la notion de see now/buy now (vente de la collection à peine descendue du podium), modèle économique qui épuise à l’infini la créativité des designers. Les marques livrent des nouveauté toutes les deux semaines afin d’exciter sans relâche la désirabilité de ses clients. Au final, il y a la pré-collection, la pré-pré-collection, et la collection principale, qui fini presque toujours sur des portants de soldes.

Au milieu de ce marathon de collections où le système économique prime de plus en plus sur la créativité, Demna Gvasalia décide de perturber le système avec un concept novateur. Son idée ? Produire seulement deux collections par an, mêlant prêt-à-porter féminin et masculin, en zappant définitivement le concept de pré-collection. Au lieu de faire trop, trop souvent, pour pas assez longtemps, avec Vêtements, Gvasalia prend le pas sur la pression commerciale, laisse respirer la créativité et réactive l’attente, le désir et le plaisir d’acheter du client.

On aura beau dire, le monde de la mode peut (sur)réagir tant qu’il veut aux perturbations engendrées par ce prescripteur, cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas senti si chamboulé.

BIENVENUE À LA MAISON…BALENCIAGA

Une vision de la mode pragmatique qui a su, en tout cas, séduire la Maison Balenciaga. Damn. Penser que le succès de Demna s’arrêterait là serait bien négliger son influence dans la modosphère. Et on peut dire que son statut dans l’industrie de la mode a pris une autre ampleur lorsqu’il a été promu, en octobre dernier, directeur artistique de Balenciaga.

Demna se lance donc dans une nouvelle aventure, succédant à Alexander Wang, avec la maison fondée en 1917 par Cristóbal Balenciaga, avant d’être acquise par le groupe Kering en 2001.

François-Henri Pinault, président et chef de la direction de Kering, a qualifié le concepteur de «force émergente puissante dans le monde créatif d’aujourd’hui.”

La multinationale connue et reconnue pour sa culture couture fait donc le paris osé de confier son destin entre les mains d’un créatif alternatif, certes, mais tout de même très influencé par la culture belge de Martin Margiela et son art de la destruction/reconstruction. Si ça peut en rassurer certains.

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La première collection de Gvasalia pour la marque a été révélée lors de la Fashion Week de Paris le 6 mars dernier, et elle n’a pas laissé indifférent. De ses expériences, Demna a gardé le casting de filles captivantes, le sportswear et les fameuses coupes arrondies aux épaules du fondateur Cristóbal Balenciaga.

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Une doudoune déstructurée, des touches de lurex, des chaines de lunettes XXL sans oublier les plateforme shoes, voilà une collection bien pensée qui détourne avec classe l’héritage de la Maison. Balenciaga semble être de retour, Kering savoure…

Le créateur a su renouveler Balenciaga et replacer la Maison dans la vague des marques à suivre de près. S’il ne révolutionne pas complètement l’industrie de la mode, système bien trop rodé pour être chahuté de sitôt, on salut néanmoins Demna Gvasalia pour avoir su le réveiller. Et bien que la nouveauté suscite le désir, la star, ce ne sera jamais lui. Aujourd’hui, c’est plutôt la femme qu’il habille qui l’est devenue.

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Anne Peron
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